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Aix-en-Provence - Compte-rendu : La Walkyrie : Le miracle Rattle
La poursuite du Ring aixois du tandem Braunschweig-Rattle était d’autant plus attendue que la première de La Walkyrie coïncidait avec l’inauguration du Grand Théâtre de Provence, la nouvelle salle dont dispose le Festival d’Aix. Vraie course contre la montre que l’achèvement des travaux, mais à quelques finitions près, le bâtiment a pu comme prévu accueillir les festivaliers, le 29 juin. Nous avons pour notre part découvert le spectacle lors de sa deuxième représentation.
Ceux qui ne peuvent imaginer une mise en scène wagnérienne qu’à la façon « Après une lecture de » Marx, Freud ou qui sais-je encore auront pu être déroutés, comme dans L’Or, par le parti pris de simplicité, l’extrême lisibilité, la rafraîchissante part de naïveté aussi avec lesquels Stephan Braunschweig aborde Wagner. On serait même par instants tenté d’effectuer des rapprochements avec l’univers de la bande dessinée - ce qui, dans notre esprit, ne comporte rigoureusement rien de péjoratif.
Pareille approche a le mérite de restituer le drame dans sa nudité et sa force. Certes elle exige des voix et un chef de premier ordre pour fonctionner pleinement, mais la production aixoise en dispose – et comment !
Les instrumentistes du Philharmonique de Berlin ayant connu l’époque du Ring de Karajan se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main, mais c’est dans la descendance du Wagner de son prédécesseur que Rattle se situe. Une vision allégée, incroyablement foisonnante et précise découvrant des trésors de poésie dans les moindres recoins de la partition. Un Wagner toujours chanté aussi, à mille lieux des braillardes teutoneries, où tout concourt à exalter l’humanité des personnages.
Distribution superlative – déluge d’applaudissements. Au moment des rappels, Eva-Maria Westbroek tire son épingle du jeu. Toute de feu et d’émotion sous une apparente froideur, elle campe il est vrai une Sieglinde pour le moins idéale. Honorable, le Siegmund de Robert Gambill ne manque pas de vaillance, mais son incarnation souffre du caractère assez monochrome de la voix. Il possède néanmoins comme tous ses partenaires le physique de l’emploi. A commencer par l’impressionnant Mikhail Petrenko, gaillard longiligne qui doit bien flirter avec ses 1, 90 m., et campe un Hunding saisissant d’efficacité dramatique et de santé vocale.
On retrouve avec bonheur le Wotan de Sir Williard White dont l’approche du personnage s’épanouit mieux ici que dans le plein air de l’Archevêché l’an dernier. Tout le contraire du dieu tonitruant ; White cultive l’humanité de son personnage – sa solitude aussi -, souligne « la vaine splendeur de la divinité » et n’a pas honte de ses faiblesses. Le récit du II vous tient en haleine par la sincérité de son émotion. De retour à Aix également, Lilli Paasikivi, du point de vue vocal, convainc plus encore que l’an passé avec une Fricka d’une grande justesse psychologique. Un Wagner chanté, disait-on… Le Brünnhilde de Eva Johansson en demeure l’un des plus beaux exemples tant celle-ci assume les défis techniques de son rôle avec un naturel, une souplesse de la ligne et une justesse du sentiment éblouissants.
Et sur les trois sièges de velours rouge où Wotan rêvait au début de L’Or du Rhin selon Branschweig, Brünnhilde s’endort au terme de l’Acte III, après une déchirante étreinte avec son père…
Distribution superlative jusqu’au bout : pas un reproche à faire aux huit walkyries !
Reste le « miracle Rattle », la formule n’est pas trop forte pour dire les prodiges qu’il accomplit, à son aise dans la spacieuse fosse du Grand Théâtre. Avec des tempi relativement larges, le chef britannique et ses Berlinois explorent le texte sans une once de lourdeur. Incessante poétisation du flux musical… En écoutant cette Walkyrie, l’orchestre apparaît bel et bien comme le protagoniste principal du drame qui se joue. La standing ovation qui accompagne la venue du maestro sur scène lors des saluts n’est que justice.
Alain Cochard
Wagner : La Walkyrie. Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 2 juillet 2007
Le programme détaillé du festival
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Photo : DR
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