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Alcina en version de concert à l’Opéra national du Rhin – Best of baroque – Compte-rendu
On remerciera d’abord le chef britannique Christopher Moulds, dont la carrière s’est avant tout bâtie sur le répertoire baroque, et qui a su aider les instrumentistes de l’Orchestre symphonique de Mulhouse à adopter une partition et un style qui ne leur étaient peut-être pas des plus familiers. Il est toujours possible d’interpréter Haendel sur des instruments modernes, à condition de le faire dans l’esprit qui convient, et c’est ici le cas, avec l’aide de quelques intervenants extérieurs : Olga Zheltikova, qui touche l’un des deux clavecins, l’autre revenant au chef, le théorbiste Victorien Disse, et Jérome Vidaller au violoncelle baroque.
Alcina en moins de deux heures, cela veut dire supprimer tous les récitatifs, tous les ballets (sauf un Tambourin, avant le chœur final) et ne garder que dix-neuf airs sur ving-neuf. Et pour lier ces extraits, un texte a été commandé à Louis Geisler, qui donne la parole à l’une des victimes anonymes de la magicienne, texte déclamé de façon assez peu convaincante par Jean-François Martin, dont le ton détaché tranche par trop avec l’ardeur des passions chantées.
Sur dix-neuf airs, on pourrait s’étonner qu’ait été retenu l’un de ceux d’Oberto, personnage purement et simplement éliminé de certaines productions, mais la virtuosité déployée par Clara Guillon dans « Barbara ! Io ben lo so » justifie ce choix. Egalement membre de l’Opéra Studio de l’OnR, Tristan Blanchet a le privilège de chanter deux des trois airs d’Oronte ; si les vocalises de « Semplicetto ! A donna credi ? » semblent un peu hachées, il s’acquitte bien mieux de « Un momento di contento », dont la première phrase rappelle étrangement l’air de cours « Vos mépris chaque jour me donnent mille alarmes ». Faute de graves plus nourris, Arnaud Richard ne confère pas à Melisso toute l’autorité souhaitée.
Des quatre rôles principaux, Ruggiero est celui qui se fait ici le plus attendre : du fait de la sélection opérée, Diana Haller n’arrive qu’au deuxième acte, mais sa trajectoire lui permet d’aller vers les sommets, d’un « Mi lusinga il dolce affetto » peu affirmé jusqu’à un « Sta nell’ircana » plus réussi, en passant par un émouvant « Verdi prati ». Dans la même tessiture, Marina Viotti paraît bien plus extravertie en Brandamante, et l’on regrette que sa participation se borne à deux airs, « È gelosia » et « Vorrei vendicarmi » (n’aurait-on pu au moins la faire revenir pour le trio « Non è amor ne gelsia » ?). Elena Sancho Pereg a l’occasion de montrer une palette plus large, même si le brillant de « Tornami a vagheggiar » semble lui convenir plus immédiatement que l’émotion de « Credete al mio dolore ». En Marguerite des Huguenots à Genève, Ana Durlovski (photo) avait divisé l’opinion : la soprano macédonienne possède pourtant tous les atouts nécessaires à camper une grande Alcina, par sa maîtrise de la colorature jointe à un timbre plus corsé que n’en ont souvent les titulaires de Lucia ou de Gilda, comme par le dramatisme de son jeu, grâce auquel sont transcendées les limites d’une version de concert.
Laurent Bury
Photo © Martin Sigmund
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