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Alexander Paley en récital à Gaveau - Un piano aventureux - Compte-rendu
Prélude à la sortie imminente d’un CD rassemblant la Grande Sonate de Tchaïkovski et les Préludes op. 32 de Rachmaninov (sous le label Aparté), le récital du pianiste d’origine moldave naturalisé américain Alexander Paley à Gaveau était l’occasion de retrouver l’un des interprètes les plus singuliers de notre temps. Il y a longtemps que l’artiste ne s’était pas produit sur une grande scène parisienne et cette soirée très fréquentée aura permis à de nombreux auditeurs de faire sa découverte – enthousiaste à en juger par le nombres de personnes en position debout dès les dernières notes du Prélude en ré bémol majeur éteintes.
Programme identique a celui de la galette annoncée, avec d’abord donc la Sonate n° 2 de Tchaïkovski. Rares ceux qui osent se frotter à cette vaste partition en quatre mouvements. Trop longue, trop ceci, pas assez cela nous disent les dictionnaires ; de fait les choses n’y vont pas d’elles-mêmes. Richter, Magaloff, Postnikova, Leonskaja (qui donne parfois encore l’Opus 37 en concert) : il faut un sacré tempérament pour imposer sa loi à ce mastodonte créé par Anton Rubinstein en 1879. Un défi que Paley relève avec une flamme et une imagination sonore bluffantes. L’orchestrale Sonate en sol mineur n’est pas pour lui prétexte à un déballage de décibels ; il préfère en souligner le foisonnement, avec un parfait sens de la ponctuation, et en soigner les timbres sur son fidèle Blüthner, instrument où rien n’est donné, où tout se conquiert - il convient tellement au tempérament du musicien aventureux que la conjonction d’une culture phénoménale, de moyens hors du commun et d’une profonde spontanéité font du fils spirituel de Bella Davidovitch. Que de tendresse et de poésie aussi quand il le faut, quel art de faire ressortir les échos de l’univers du ballet qui parsèment une œuvre où Paley construit une véritable dramaturgie plus de trente-cinq minutes durant. Ovation de fin de première partie dont beaucoup pourraient rêver en fin de soirée…
Après la pause, le pianiste s’attaque à une musique bien connue, le 13 Préludes op. 32 de Rachmaninov. On ne mesure que mieux l’originalité de celui qui porte un regard neuf sur chacune de ces miniatures. Aucune concession à la facilité, à l’exhibition virtuose (quelle classe dans les puissants accord du si mineur, dans l’exubérante joie conclusive du ré bémol majeur) ; la tenue du chant va de pair avec la mise en valeur d’une incessante invention rythmique. Paley est un intarissable conteur ; les Préludes se font skazki sous ses doigts inspirés (qui résisterait au parfum sylvestre du sol majeur ?).
Un vrai choc pianistique et musical pour un public que le pianiste régale d’un mini-festival de bis comportant en particulier un éblouissant arrangement de son cru de la Polonaise d’Eugène Onéguine. On s’impatiente de découvrir le CD annoncé chez Aparté et, 2014 oblige,… d’entendre Alexander Paley dans l’un de ses compositeurs favoris, Rameau !
Alain Cochard
Paris – Salle Gaveau, 6 décembre 2013
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