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Alexandre Kantorow en récital au 35e Festival Chopin à Paris – Souveraine maîtrise – Compte-rendu
Le Festival Chopin à Paris 2018 aura réservé une place de choix aux artistes de la nouvelle génération. Après Marie-Ange Nguci, éblouissante en ouverture de cette 35e édition (1), François Dumont ou Leonardo Pierdomenico, c’était au tour d’Alexandre Kantorow (photo) de prendre place sur la scène de l’Orangerie.
Depuis un peu plus de deux ans, la 1ère Sonate en ré mineur de Rachmaninov accompagne le jeune pianiste français (né en 1997) ; elle figurait déjà au programme de son premier récital parisien à la Fondation Louis Vuitton en avril 2016 (2) – récital dans la foulée duquel il a signé un très bel enregistrement de l'ouvrage pour le label Bis.
A Bagatelle, la souveraine maîtrise du jeune homme face à ce monstre pianistique (tellement plus riche que la célèbre 2ème Sonate ...) se vérifie une fois de plus. Kantorow tient l’Opus 28 de la première à la dernière note ; ce qui pourrait paraître bavard sous d’autres doigts prend tout son sens. Pas un détail ne se perd dans une interprétation dont le souffle, la densité et l’absence tout effet facile subjuguent littéralement.
L’Etude «Chasse neige » de Liszt qui suit n’est pas en reste, montrant un piano d’une puissance orchestrale, une palette de couleurs et de nuances dynamiques pour le moins sidérantes. On voudrait les douze ... Et les vingt-quatre !, se dit-on après avoir entendu le jeune artiste dans l’Etude en fa majeur op.10 n° 8 de Chopin, admirable de fluidité et portée par une main gauche toujours expressive.
Kantorow a beaucoup à dire dans Beethoven comme le prouve la Sonate op. 2 n° 2 qui ouvre la seconde partie. C’est bien l’œuvre d’un jeune compositeur partant à la conquête de Vienne ... et d’une forme qu’il ne cessera de fréquenter jusqu’à l’ultime Opus 111 que l’on entend ici ! L’énergie, la luminosité, l’humour de la musique sont saisit avec une intelligence stylistique et une simplicité parfaites, tandis que la vie et l’allant du propos ne privent jamais la phrase d’oxygène.
Changement de ton avec la Fantaisie en fa mineur de Chopin, grande et virile fresque sonore que Kantorow explore avec des coloris sombres et une absolue fluidité des enchaînements.
Et pour conclure, l' éblouissement de la Danse macabre de Saint-Saëns, qui, après Liszt et Horowitz, bénéficie de pas mal d’apports du jeune interprète. L’ivresse de la virtuosité ? Oui, mais jamais de façon gratuite. Sous des doigts aussi inspirés la pièce prend des allures dantesques et donne le frisson. Grandiose.
Mémorable soirée, longuement applaudie et couronnée de deux bis de la même eau (une mélodie hongroise transcrite par Cziffra et un Brahms).
Dans l’immédiat, c’est en musique de chambre que l’on s’apprête à retrouver Alexandre Kantorow, ce 20 juillet, aux côtés du Trio Sypniewski, dans le cadre du Festival Jeunes Talents aux Archives Nationales. Mouvement de quatuor en la mineur de Mahler, Chant de l’Agartha de Connesson et 2ème Quatuor avec piano op. 26 de Brahms : belle soirée en perspective !
Alain Cochard
(1) www.concertclassic.com/article/marie-ange-nguci-inaugure-le-35e-festival-chopin-paris-lart-de-reinventer-compte-rendu
(2) www.concertclassic.com/article/alexandre-kantorow-en-recital-la-fondation-louis-vuitton-un-grand-est-ne-compte-rendu
Paris, Orangerie du Parc de Bagatelle, 10 juillet 2018
// Alexandre Kantorow et le Trio Sypniewski au Festival Jeunes Talents ( 20 juillet 2018, 20h) / www.jeunes-talents.org/festival/concert/1053/cordes_romantiques
Photo © Jean-Baptiste Millot
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