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Arabella à l’Opéra Bastille - Resté sans voix - Compte-rendu

Sur le papier tout cela promettait beaucoup,  et tient d’ailleurs en partie ses promesses. Mais avec un bémol majeur. Qu’est-il arrivé à Renée Fleming ? Elle chante tout le premier acte en braille ; au 8e rang on peine à l’entendre, et ce n’est pas faute d’un orchestre attentif que Philippe Jordan, bien conscient du problème, contient au point de priver la partition d’un élan névrotique qui en rehausserait considérablement l’intérêt.

Car avouons-le, autant Arabella mené à un train d’enfer et avec brio, comme faisaient jadis Clemens Krauss, Karl Böhm, et même le jeune Georg Solti dans ce qui reste un de ses plus prodigieux enregistrements straussiens, peut faire une très bonne soirée d’opéra, autant l’ouvrage peut lasser, partition soudain seulement délicieuse.

La régie assez terne de Marco Arturo Marelli, embarrassée par des décors plus laids que pratiques n’aide pas vraiment, d’autant qu’elle transforme Mandryka en personnage essentiellement comique. On se demande ce qu’Arabella peut bien lui trouver. Et pourtant, Michael Volle y est simplement prodigieux, acteur consommé,  dont le sombre baryton mord dans les mots : on n’avait pas entendu un tel Mandryka depuis Hermann Uhde ou Dietrich Fischer-Dieskau.

Le reste du plateau est formidable  à commencer par l’Adélaïde grand teint de Doris Soffel, qui domine d’une bonne tête son joueur de mari : Kurt Rydl ne chante plus Theodor Waldner, il le parle et au fond cela fait l’affaire. Mentions spéciales à la Diseuse de bonne aventure (Iréne Friedl), et au Graf Elmer d’Eric Huchet, si pressant, si enflammé. Edwin Crossley-Mercer dessine Dominik avec chic (et gouaille lorsqu’il entreprend la mère pour se consoler d’avoir perdu la fille), et il faudra surveiller le beau baryton encore un peu timide de Thomas Dear, Lamoral raffiné.

Plus en retrait, Joseph Kaiser ne déboutonne pas encore assez son Matteo, mais le style est toujours aussi parfait. Julia Kleiter rayonne en Zdenka, comme elle fait déjà depuis quelques années. Iride Martinez met beaucoup d’esprit à sa Fiakermilli et l’on enrage de toutes les coupures qu’on lui fait endosser, y compris évidemment celle classique – mais qui ne nous ulcère pas moins pour autant – de toute la fin de l’Acte II.

A mesure que la soirée passe, Renée Fleming s’échauffe, elle finirait presque par projeter dans le duo final. Mais non, décidément son personnage uniquement glamour n’est pas vraiment la jeune fille indépendante et volontaire qu’imaginait Hofmannsthal, et pour cette voix aujourd’hui si fragile, Bastille reste un non sens.

On retrouve vite nos souvenirs, Judith Beckmann à Francfort, Lucia Popp à Munich, Ashley Putnam (et un étonnant Mandryka, John Bröcheler) à Glyndebourne, Kiri te Kanawa et Karita Mattila (qui elle « envoyait » mon Dieu !) à Paris. Et on oubliera bien vite cette soirée sans flamme.

Jean-Charles Hoffelé

R. Strauss : Arabella - Paris, Opéra Bastille, 14 juin, prochaines représentations les 17, 20, 24, 27, 30 juin, 4, 7 et 10 juillet 2012. www. operadeparis.fr

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Photo : Opéra national de Paris/ Ian Patrick
 

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