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« Arca ostinata » de Nino Laisné et Daniel Zapico – Le théorbe comme un rêve – Compte-rendu
L’idée est très originale et le défi est de taille : donner naissance à un opéra dont l’unique personnage serait un théorbe. Une grande fresque sans paroles. Un voyage onirique. Nino Laisné (mise en scène, scénographie et direction musicale) et Daniel Zapico (théorbe) ont donc décidé de mettre en lumière – au sens propre et figuré de l’expression – cet instrument majestueux, au manche interminable et à la caisse largement rebondie ; le si beau théorbe, indissociable des airs de cours, dont la fonction, à la fin du baroque, se résume pourtant trop souvent à l’enrichissement de la basse continue.
Daniel Zapico © Nino Laisné
« Arca ostinata » est le résultat d’une grande ambition artistique. Pendant une heure, le spectateur se trouve plongé dans un monde où la musique est visuellement magnifiée par un écrin rappelant les grandes machineries baroques. Le choix des pièces est le fruit de l’amour que Nino Laisné et Daniel Zapico portent pour les cordes pincées, le théorbe bien sûr, mais aussi le luth et la guitare (baroque et portugaise). Ressurgissent ainsi d’un lointain passé Estienne Moulinié, Michelagnolo Galilei, Bellerofonte Castaldi ou Ennemond Gaultier. Mais la palette musicale dépasse largement le cadre du premier baroque et le voyage nous emmène aussi à la rencontre de Marin Marais et de Jean-Philippe Rameau (séduisante transcription du Rappel des oiseaux) et même au XXe siècle avec Atahualpa Yupanqui, Carlos Paredes, John Lennon et Paul McCartney (surprenante improvisation sur « I want you »).
© Nino Laisné
Ce parti pris d’éclectisme se révèle des plus fructueux. Sous les doigts subtils de Daniel Zapico, le théorbe nous surprend quand il sonne comme un orchestre et il nous touche quand il choisit le registre feutré de l’intime. Sur le plan de la scénographie, le spectacle commence dans la pénombre et peu à peu se révèle un décor dont certaines parties sont directement empruntées aux éléments d’un théorbe : une rosace qui s’ouvre tel un diptyque et une conque, copie parfaite d’une caisse de résonance. Cette fantasmagorie est soulignée par des projections vidéo kaléidoscopiques et des effets de lumières qui font apparaître des personnages fantastiques et des animaux chimériques.
Complices depuis une dizaine d’années, Nino Laisné et Daniel Zapico se sont entourés de techniciens et d’artisans d’art pour faire d’« Arca ostinata » un spectacle complet : ébéniste, costumier, sculpteur, peintres, infographiste, ingénieure du son (l’instrument est sonorisé), sérigraphiste, informaticien. Les savoir-faire multiséculaires et 2.0 se conjuguent harmonieusement pour donner naissance à une œuvre mystérieuse pour théorbe seul, étrangement belle, que chacun peut goûter selon ses références et ses émotions.
Thierry Geffrotin
Paris, Centre Georges Pompidou, 18 février ; prochaines représentations les 5 mars (Orléans/ Scène nat.), 4 mai (Metz/Asenal), 14 mai (Rézé/La Soufflerie), 17 mai (Quimper/Théâtre de Cornouaille) & 9 juin 2022 (Roubaix/ La Condition Publique) // ninolaisne.com/ARCA-OSTINATA
Photo © Nino Laisné
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