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Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas à l’Opéra national de Rhin - Sous l’œil du Minotaure – Compte-rendu
La présentation officielle par Marc Clémeur de la belle et découvreuse saison 15-16 de l’Opéra national du Rhin aura précédé de peu, ce dimanche 26 avril à Strasbourg, la première d’Ariane et Barbe-Bleue (1907) dans la mise en scène d’Olivier Py. De l’aveu de celui-ci, l’ouvrage de Paul Dukas constitue la première partie d’un diptyque que refermera à l’automne, toujours sur la scène alsacienne, un ouvrage exactement contemporain, Pénélope de Gabriel Fauré. Une autre partition réputée assez « impossible » à la scène. On ne peut que souhaiter à Olivier Py de parvenir à une proposition aussi convaincante qu'avec Ariane ; spectacle formidablement abouti dont la puissance des images vous poursuit longtemps après que le rideau est tombé.
Avec son fidèle complice le scénographe Pierre-André Weitz, Olivier Py a imaginé un dispositif scénique à deux niveaux, un « en bas », grisâtre espace réservé à l’action - au peu d’action - et un « en haut » où, par l’intermédiaire de figurants-doublures de Barbe-Bleue (un athlète nu, la tête recouverte d’une cagoule noire cornue) et des cinq femmes, ainsi que celui d’autres intervenants (tels deux hommes-chiens), « les fantasmes, les rêveries, les désirs inassouvis, les personnages fantasmatiques », pour reprendre les mots du metteur en scène, sont représentés. Et Olivier Py de parvenir à ses fins au cours d’un spectacle enchaînant les trois actes sans entracte grâce à l’intelligence et à la beauté d’une scénographie permettant au propos dramaturgique de coller en permanence au flot, au mouvement, à la plastique a-t-on envie de dire, de la musique. La présence de ce Barbe-Bleue Minotaure, l’emprise que sa troublante virilité exerce sur tout ce qui l’entoure agissent comme un formidable révélateur des potentialités d’un ouvrage trop rare sur les scènes – et, évidemment, de celles de son livret, si souvent décrié. Aucun hiatus entre « en bas » et « en haut », entre la scène et la fosse, mais une évidence du propos qui montre le metteur en scène au meilleur de son art, ses intentions se trouvant servies par un plateau et un chef totalement investis.
© Alain Kaiser
A Jeanne-Michèle Charbonnet revient le rôle d’Ariane. Surdimensionné ? Sans doute – qui de nos jours est à la dimension de cet emploi écrasant ? - mais l’artiste américaine assume le défi. Elle doit certes composer avec les passages les plus redoutables de sa partie, mais cette lutte, cette tension vont de pair avec une incarnation profondément humaine. Elles y contribuent même dans le contexte de la lecture proposée par Olivier Py. Au moment où l’héroïne ôte son masque à Barbe-Bleue blessé, à quelle lutte contre elle-même lui demande-t-on de se livrer… Elle seule la gagnera car, au terme du 3, Py prend une liberté avec l’ultime didascalie : plutôt que de suivre Ariane, la Nourrice reste avec les cinq femmes.
Quelle humanité aussi chez Sylvie Brunet-Grupposo (l’une des grandes chanteuses françaises d’aujourd’hui, on ne le répétera jamais assez) dont la richesse de timbre, la longueur de voix, la musicalité nous valent une Nourrice idéale. Dans un rôle vocalement très réduit – même si le personnage prend une dimension totalement inédite ici – Marc Barrard possède exactement la stature, la couleur et l’ampleur requises pour Barbe-Bleue. Aline Martin (Sélysette), Rocío Pérez (Ygraine), Lamia Beuque (Bellangère), Délia Sepulcre Nativi (Alladine) s’acquittent au mieux de leurs rôles respectifs, tout comme Jaroslaw Kitala, Peter Kirk et David Oller dans ceux, très modestes, des paysans. Superbement préparés par Sandrine Abello, les Chœurs de l’OnR se montrent à la hauteur de l’enjeu, tout comme, et c’est l’une des belles surprises de ce spectacle, l’Orchestre symphonique de Mulhouse. Fort des progrès que la phalange effectue depuis l’arrivée de son nouveau directeur musical, Patrick Davin, Daniele Callegari a pu en tirer le meilleur. Elan, souffle, sens des timbres, puissance dénuée d’opacité : de la très belle ouvrage dont la partition de Dukas sort gagnante.
Alain Cochard
Dukas : Ariane et Barbe-Bleue – Strasbourg le 26 avril, prochaines représentations les 28 et 30 avril, 4 et 6 mai 2015 ; puis le 15 et 17 mai 2015 ( Mulhouse- La Filature)
www.concertclassic.com/concert/ariane-et-barbe-bleue-de-dukas-mis-en-scene-par-olivier-py
Photo © Alain Kaiser
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