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Ariane Matiakh dirige Le Tour d’écrou à l’Opéra de Tours – Premier Britten
Nombreux sont ceux qui ont découvert Ariane Matiakh parmi les trois lauréats de la première édition du Concours Adami « Talents chefs d’orchestre » en 2008. Depuis lors, on l’a entendue en France, mais souvent aussi dans les pays scandinaves, en Allemagne et en Autriche, tant dans le domaine symphonique que lyrique. C’est d’ailleurs l’opéra qui la conduit bientôt à Tours pour une production du Tour d’écrou de Britten mise en scène par Dominique Pitoiset.
Lorsqu'on interroge Ariane Matiakh au sujet des personnes, des rencontres qui ont façonné sa personnalité, c’est évidemment à ses parents qu’elle songe en premier lieu. « Artistes lyriques l’un et l’autre, je les ai suivis un peu partout au gré de leurs engagements. Je suis donc entrée dans le monde de l’Opéra sans m’en rendre compte ; ils m’ont transmis leur passion pour l’univers lyrique et j’ai découvert énormément de choses grâce à eux. Plus tard, alors que ma décision de devenir chef était déjà prise, c’est grâce à eux aussi que j’ai vu une femme chef diriger, Sian Edwards (à l’Opéra Comique en 1998 pour la création de Clara de Hans Gefors). Cette image a beaucoup compté pour moi ; d’un seul coup plus rien n’était impossible : une femme, comme un homme, pouvait diriger."
Amoureuse de la voix, Ariane Matiakh se tourne à ses débuts vers l’activité de pianiste chef de chant. Mais la rencontre avec Ferdinand Koch, professeur de direction au Conservatoire de Reims, incite la jeune musicienne à envisager une autre carrière. Elle travaille en tant que pianiste, tout en poursuivant en parallèle des études de direction dans la cité des sacres, puis, ce cursus terminé, prend le chemin de la Musikhochschule de Vienne pour parfaire sa formation auprès de Leopold Hager. Une expérience décisive, on l’imagine, pour la découverte du répertoire classique. «On était dans la pure tradition viennoise, se souvient Ariane Matiakh ; Hager a une passion dévorante pour son métier et sait la transmettre. » Vienne lui permet aussi d’entrer en contact avec une autre école de direction, grâce à l’assistant de Leopold Hager, Yuji Yuasa. « Il est issu de la lignée du professeur Saito (1), dont Seiji Osawa a été l’élève, et s’appuie sur une méthode qui doit beaucoup à la philosophie des arts martiaux. Une très belle combinaison s’établissait entre l’enseignement très technique de Yuasa et celui, pétri de tradition, de Hager. »
2005 : au terme d’un séjour de trois ans, Ariane Matiakh doit quitter un peu précipitamment Vienne… pour de très motivantes raisons. Elle a présenté sa candidature au poste de chef assistant à l’Orchestre de Montpellier : nomination à l’unanimité ! Trois enrichissantes années attendent la jeune femme. «J’étais assistante de l’Orchestre et j’ai donc travaillé avec le directeur musical, Friedemann Layer, tout comme avec les chefs invités – ils étaient nombreux -, à l’Orchestre comme à l’Opéra. Je dirigeais par ailleurs les concerts en région et les concerts pédagogiques. Il m’est aussi arrivé de remplacer certains chefs, ce fut le cas avec James Conlon dans la Symphonie n° 7 de Chostakovitch. »
Quelle politique adopter pour permettre l’émergence des talents féminins de la baguette ? Faut-il instituer un système de quotas ? « Mon avis là-dessus a beaucoup évolué depuis mes débuts dans le métier, reconnaît Ariane Matiakh. Jusqu’à une période une période assez récente, je ne faisais pas trop attention à cette question, je me laissais porter ; j’ai eu beaucoup de chance car ne n’ai pas eu à lutter pour exercer ce merveilleux métier. Je travaille beaucoup en Scandinavie, où une politique de quotas a été adoptée depuis quelques années, et en Allemagne, où l’on est en train de le faire, et finalement, moi qui n’étais pas pour ces choses là, je me rends compte que c’est le moyen non pas d’accélérer mais simplement de faire changer les choses en France, où elles avancent peu ou n’avancent pas. Une politique de quotas permet de donner une chance à des personnes qui n’en auraient peut-être jamais eue. Après il s’agit de faire ses preuves et de convaincre ou pas, comme pour un homme. Maintenant, j’aime quand les choses se passent dans la douceur ; pas question de devenir chienne de garde. Il s’agit de créer des occasions qui vraisemblablement n’existent pas.»
L’Opéra de Tours accueille bientôt Ariane Matiakh. Une première pour elle dans cette institution s’agissant du lyrique, mais Jean-Yves Ossonce l’avait déjà invitée pour un programme symphonique avec l’Orchestre Région Centre-Tours. Probant ce premier contact avec la formation explique la présence de la jeune femme à Tours pour Le Tour d’écrou. Il faut un début à tout : chef lyrique aguerrie, Ariane Matiakh dirige là son premier Britten. « Je suis heureuse que Jean-Yves Ossonce m’ait proposé Le Tour d’écrou, une œuvre qui me parle et me plait. C’est une musique qui, à première vue, peut paraître difficile ou intellectuelle, mais se révèle d’une splendeur insoupçonnée. En approfondissant l’œuvre, j’ai découvert la finesse et l’intelligence de Britten. J’aime l’aspect psychologique très fort de cet opéra et j’admire ce que le compositeur parvient à obtenir avec une grande économie de moyens – treize musiciens seulement en fosse. Il y a vraiment un travail de musique de chambre, sur les couleurs, à faire et aussi un travail à mener avec le plateau et les musiciens sur la psychologie des personnages pour les dépeindre au mieux et faire monter la tension. »
« J’éprouve énormément de plaisir à travailler avec Dominique Pitoiset. C’est un homme de théâtre, qui effectue un travail de fond avec tous les chanteurs comme on n’a pas toujours l’habitude de le voir. Pour des atmosphères très tendues comme celles du Tour d’écrou c’est particulièrement appréciable. Il fait des merveilles et je suis ravie de cette première collaboration avec lui. »
Alain Cochard
(Entretien avec Ariane Matiakh réalisé le 28 février 2014)
(1) Hideo SAITO (1902-1974)
Britten : Le Tour d’écrou
14, 16 et 18 mars 2014
Opéra de Tours
www.operadetours.fr
Photo © Marco Borggreve
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