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Ariane à Strasbourg - André Engel met en scène Richard Strauss
On l’oublie trop, Ariadne auf Naxos est avant tout le fruit de l’entêtement de Richard Strauss à vouloir mettre en musique Molière. Rêve de grandeur lullyste qui connaîtra son ultime concrétisation alors que l’Allemagne essaye de phagocyter une fois encore la France, non par la culture mais par le canon. Nous sommes le 4 octobre 1916 lorsque finalement l’œuvre est créée dans ses derniers habits au Hofoper de Vienne. Le modèle désigné de la comédie-ballet a fait long feu, mais il en reste plus que des traces dans la fantasmagorie littéraire qu’Hofmannsthal a fini par broder, en mêlant antique et baroque. Et il ne faut pas oublier que la première Ariane, née quatre années plus tôt, le 25 octobre 1912 à Stuttgart, était ni plus ni moins qu’une nouvelle musique pour Le Bourgeois Gentilhomme ; au total le spectacle, dévoré par le théâtre de Molière, dépassait les six heures, et s’était transformé en un incroyable show bâti autour du Monsieur Jourdain « hénaurme » de l’impayable Victor Arnold, acteur chéri de Lubitsch.
De cet éléphant est née une gazelle, l’Ariane à Naxos que tous les théâtres s’arrachent depuis. Pratique – petit orchestre – mais difficile (un grand soprano, un ténor héroïque écrit bête comme ses pieds sont convoqués), insaisissable (les styles s’y mêlent, tous compliqués par leurs propres pastiches) mais irrésistible, l’œuvre n’en finit pas de susciter des propositions scéniques aussi souvent déconcertantes qu’inspirées
On ne se privera pas de la nouvelle Ariane à Naxos que l’Opéra de Strasbourg nous concocte : d’abord car l’on est toujours curieux des solutions virtuoses et inventives d’André Engel, qui sera chez lui assurément dans cet opéra double où le théâtre est dans le théâtre (on croit déjà voir le fourmillement hystérique du prologue), ensuite car c’est Daniel Klajner et ses musiciens de Mulhouse qui seront en fosse : style viennois et vitalité musicale irrépressibles devraient être au rendez-vous.
La distribution finement composée promet beaucoup, à commencer par l’Ariane de Christiane Libor (découverte en même temps que Les Fées de Wagner au Châtelet) et le Bacchus de Michael Pusch. Ajoutez à cela le Majordome vétéran de Waldemar Kmentt, le Maître à danser de Guy de Mey, le Komponist d’Angélique Noldus, l’Alsace aura assurément un petit côté Naxos.
Jean-Charles Hoffelé
Richard Strauss : Ariadne auf Naxos – Strasbourg, Opéra du Rhin, les 7, 9, 11, 16, 18 et 20 février, puis à La Sinne de Mulhouse, les 5 et 7 mars 2010
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Photo : DR
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