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Aspects de Szymanowski aux Bouffes du Nord par Piotr Anderszewski

La vie musicale a parfois de quoi dérouter… La curiosité est certes une immense qualité, mais elle s'exerce souvent dans des domaines où il est permis de douter de sa pertinence. La remarque vaut pour tous les répertoires, mais - une foison de publications discographiques l'atteste - le goût pour la musique ancienne et baroque nous vaut des "résurrections" pour le moins discutables. Que d'énergie, que de moyens consacrés, souvent, à d'improbables auteurs dont le seul génie est d'avoir vécu en des siècles lointains… Et pendant ce temps, près de nous, de véritables géants attendent encore une pleine reconnaissance. Mahler aura dû patienter longtemps avant de trouver sa place en France. Karol Szymanowski patiente toujours…

Rien là d'une lubie de musicologue : l'auteur du Chant de la Nuit s'inscrit - et de la manière la plus indiscutable - parmi les plus grands compositeurs du début du XXe siècle. Szymanowski est décédé en 1937, la même année que Ravel ou Roussel - envers lequel on se montre bien oublieux aussi… Bientôt sept décennies après sa disparition que connaît-on vraiment du maître polonais ? Hormis chez quelques aficionados, le bilan n'est guère brillant…

Un seul exemple : imagineriez-vous une seconde un ouvrage de l'importance de Gaspard de la Nuit de Ravel quasiment exclut des programmes ? Tel est pourtant exactement ce qui se produit dans le cas des Métopes ou des Masques de Szymanowski…. Autant dire que le rôle des interprètes, conforté par le courage des organisateurs de concerts et des éditeurs phonographiques, sera essentiel pour faire évoluer les goûts du public et bousculer ses préventions.

Grâce à Piotr Anderszewski, l'actualité de cette fin de saison prend heureusement une couleur szymanowskienne. Au disque d'abord, l'interprète vient de signer une récital (Métopes, Masques, Sonate n°3 - 1CD Virgin) d'une justesse de ton admirable. Elle ne peut qu'attiser le désir de retrouver le pianiste aux Bouffes du Nord à l'occasion d'un mini-festival en trois concerts.
Entouré de sa sœur, la violoniste Dorota Anderzewska, du pianiste Aleksandar Madzar, de la soprano Olga Pasiecznik et de l'excellent Quatuor Belcea, Anderszewski invite a découvrir l'univers du Polonais en mettant l'accent sur des ouvrages de la période 1914-1918 - nourris de souvenirs méditerranéens. Piano seul, musique de chambre, mélodies : autant d'aspects de Szymanowski éclairés par de fervents interprètes !

Alain Cochard

Théâtre des Bouffes du Nord. Dimanche 5 juin (à 12 h et 15 h 30), Lundi 6 juin à 20 h 30.

Photo : DR
 

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