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Atout chœur - Une interview de Mathieu Romano, chef de l’ensemble vocal Aedes
Flûtiste à l’origine, Mathieu Romano a créé l’ensemble vocal Aedes peu avant d’entrer au CNSMD de Paris en 2005. En moins d’une décennie, il en a fait l’une des meilleures formations vocales françaises, de plus en plus demandées sur les scènes lyriques. Après avoir participé à la saison de Royaumont, Aedes est l’invité du Festival d’Île-de-France à Fontainebleau, le 6 octobre, puis sera sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées dans La Vestale de Spontini, du 15 au 28 octobre. Beau prélude à une saison très riche qui culminera au Festival d’Aix l’été prochain.
Comment le flûtiste que vous étiez à l’origine est-il devenu chef de chœur ?
Mathieu Romano : Dès avant mon entrée en classe de flûte au CNSM, alors que j’étudiais au CNR de Versailles j’avais envie d’une pratique chorale. J’avais déjà eu l’occasion de m’essayer, avec un grand plaisir, à la direction de chœur vers l’âge de 15 ans, en Bourgogne et, durant l’année précédant mon entrée au CNSM, j’ai fait partie du Jeune Chœur de Paris, ce qui a renforcé mon goût pour la musique chorale. Quelques mois avant l’entrée au CNSM (à la rentrée 2005, dans la classe de Sophie Cherrier), j’ai monté avec un groupe d’amis l’ensemble vocal Aedes et, parallèlement à mon cursus de flûte et de direction d’orchestre au Conservatoire, j’ai continué à faire grandir l’ensemble.
Quelle a été l’impact de cette coexistence entre les études de flûte, puis de direction d’orchestre et le travail avec Aedes ?
M. R. : J’ai toujours aimé avoir plusieurs cordes à mon arc. Le fait de diriger Aedes m’a conduit à développer mon côté flûtiste et réciproquement. Toute mon activité musicale ne reposait pas sur un seul pilier, avec toute la pression que cela suppose. Cela m’a libéré et m’a permis de suivre les deux voies avec beaucoup de bonheur et d’aisance. J’ai toujours été attiré par la musique du XXe siècle et par la création. Il n’était évidemment pas possible d’en faire dès le début avec Aedes. On ne pouvait commencer avec Stockhausen ; il fallait procéder de façon « pédagogique » dirais-je. Mais assez vite nous nous sommes concentrés sur la musique a capella du début du XXe siècle – répertoire qu’Accentus par exemple fréquentait beaucoup dans ses premières années mais qu’il délaisse aujourd’hui. La musique a capella est la plus difficile à faire car elle est dépourvue de tout support instrumental ; je me suis dit que de la pratiquer pendant plusieurs années nous procurerait les bases pour aller vers d’autres répertoires. Quand on peut faire du Poulenc a capella, on peut aussi faire du Mozart avec orchestre. Mon but n’a jamais été de créer un chœur spécialisé. Chaque année nous invitons un chef pour aborder des répertoires nouveaux : Hervé Niquet nous a fait travailler Charpentier, Catherine Simonpietri Ohana, Joël Suhubiette Poulenc ; l’an prochain ce sera Sigvards Klava, le chef du Choeur de la Radio Lettone, pour du répertoire contemporain. Le but d’Aedes était de partir du XXe siècle pour aller vers d’autres répertoires.
Ce que vous allez faire bientôt, le 6 octobre d’abord, à Fontainebleau, dans le cadre du Festival d’Île-de-France, au cours d’une soirée intitulée « Liebeslieder ».
M. R. : Il s’agit d’un programme que nous avions déjà donné il y a un an et demi environ. Passion amoureuse, rapport au couple, filiation entre Mendelssohn, Schumann et Brahms : tout cela entrait bien dans la thématique « Alter ego » choisie par le Festival cette année. Nous sortons là de la musique a capella du XXe siècle, mais c’est un répertoire que j’aime beaucoup et qui, par bien des aspects, est proche de la musique de Poulenc. Les motets a capella de Mendelssohn et de Schumann exigent le même travail sur l’homogénéité, sur la qualité du son, le même souci de justesse. Comme avec Poulenc ce sont des pièces assez simples en apparence mais sous-tendues par des harmonies complexes. Nous donnerons ce programme avec les pianistes Alain Planès et Guillaume Vincent ; un pianiste qu’on ne présente plus et un artiste de la nouvelle génération que l’on ne présente déjà plus.
Peu après, du 15 au 20 octobre, Aedes sera sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées dans La Vestale de Spontini, dirigée par Jérémie Rhorer. Avant d’aborder ce sujet, quelles ont été les précédentes expériences d’Aedes dans le domaine lyrique ?
M. R. : Depuis un certain temps je constate avec plaisir que pas mal d’orchestres nous appellent pour des productions lyriques. A la fin de la saison dernière, à Radio France, nous avons participé à la création d’un oratorio contemporain : La chute de Fukuyama. Nous avons par ailleurs collaboré à un Enfant et les sortilèges et à un Orphée et Eurydice. Avec Jérémie Rhorer nous avons donné la Messe du couronnement. Réussie, cette expérience a conduit Jérémie Rohrer à faire à nouveau appel à nous pour La Vestale. C’est une expérience passionnante car le chœur y est un véritable personnage, un défi intéressant aussi car il y aura 38 choristes. Un effectif que nous avions déjà adopté pour Les contes d’Hoffmann sous la direction de Marc Minkowski. Nous développons peu à peu l’activité dans le domaine de l’opéra, même si les concerts de musique d’ensemble demeurent l’objet principal d’Aedes. Je trouve néanmoins très intéressant de diversifier le répertoire et les effectifs, pour la vie de l’ensemble et pour le plaisir musical.
Et il y a d’ailleurs des Rossini et une Carmen qui se profilent à l’horizon…
M. R. : En février (à Besançon et à Compiègne) je dirigerai La petite messe solennelle, avec Jean Claude Pennetier, Elodie Soulard, Alain Buet et Isabelle Druet. Depuis deux ans nous sommes en double résidence au Théâtre d’Auxerre et au Théâtre impérial de Compiègne. Dans le cadre de cette résidence, en mars, Compiègne monte une Carmen dont le chœur sera constitué pour une moitié d’Aedes ; pour l’autre de chanteurs amateurs recrutés par mes soins en Picardie. Je m’intéresse beaucoup à ces projets où l’action culturelle (en direction du public scolaire) se conjugue avec la formation de chanteurs. Début juin, nous participerons pour une unique soirée à L’Italienne à Alger, dirigée par Roger Norrington en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées.
… Et Le Turc en Italie au Festival d’Aix 2014 consituera une forme de consécration presque une décennie après la naissance d’Aedes…
M. R. : Marc Minkowski nous a en effet proposé de participer à cette production. Je suis heureux de ce développement en direction de l’opéra ; il prouve que notre pari de commencer par les œuvres a capella pour élargir ensuite le répertoire est en train de pleinement se réaliser.
Pour conclure, quelques mots sur votre activité de chef d’orchestre et votre participation récente, en tant qu’assistant de Dennis Russell Davies, à la session d’été de l’Orchestre Français des Jeunes …
M. R. : Une expérience magnifique ! On a affaire à de jeunes musiciens qui ont envie de jouer ensemble ; il résulte une passion et une énergie extraordinaires. Les défauts de la jeunesse sont là aussi, tout n’est pas parfait mais… l’envie est telle… Le monde musical classique a besoin de cette énergie !
Des projets côté baguette ?
M.R. : J’ai terminé il y a peu mes études de direction au Conservatoire, des choses sont en train de se dessiner, j’en ai envie ; je préfère toutefois les laisser mûrir avant d’en parler. Mais Aedes demeure ma préoccupation première.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 20 septembre 2013
Ensemble vocal Aedes
Œuvres de Brahms, Schumann et Mendelssohn
6 octobre – 17h
Fontainebleau – Théâtre
Festival d’Île-de-France : www.festival-idf.fr
Spontini : La Vestale
Du 15 au 28 octobre 2013
Paris – Théâtre des Champs-Elysées
Site officiel de l’ensemble vocal Aedes : www.ensembleaedes.com
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