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Belgique / L’Inimico delle Donne de Galuppi à l’Opéra de Wallonie - Virage de cuti à Ki-Bin-Kin-Ka
« Femelles, allez vous faire voir ! » : l’aversion du prince Zon-Zon pour le sexe faible est à la mesure de celle Agnesina envers les hommes. « Tous les hommes sont moches !», s’exclame celle qu’un naufrage a échouée en compagnie de son oncle Geminiano sur les rivages de Ki-Bin-Kin-Ka, territoire d’une Chine imaginaire où l’on a la bonne idée de parler italien ! La vie est parfois bien faite, mais la dure loi d’un royaume qui exige que le prince se marie. Agnesina étant celle que Zon-Zon « supporte » le mieux – ou le moins mal -, il se résout in fine à l’épouser.
Ainsi se résume le livret, osé pour son époque, que Giovanni Bertati (futur librettiste du Matrimonio segreto de Cimarosa) avait fourni à Baldassare Galuppi (1706-1785) pour L’Inimico delle Donne (L’Ennemi des femmes), opera buffa en trois actes que le musicien originaire de Burano fit entendre au San Samuele de Venise au printemps 1771.
L’ouvrage était tombé dans un oubli total et l’on sait gré à l’Opéra Royal de Wallonie et son directeur Stefano Mazzonis di Pralafera d’avoir permis une résurrection inscrite dans une grande célébration galuppienne (une équipe de musicologues se réunit à Liège pour un Colloque international les 4 et 5 février). Galuppi n’est évidemment pas Mozart, mais, à l’instar d’un Philidor, appartient de ces « petits maîtres » qui ont nourri l’histoire de la musique durant la seconde moitié du XVIIIe siècle et dont on découvre les compositions avec un réel bonheur.
Partition concise (deux heures en tout) et d’une délicieuse fluidité, L’Inimico delle Donne a franchement réussi son retour ! Le sujet plein d’ambiguïtés et de piquant était il est vrai susceptible de parler à notre époque. Mais là où d’autres en eussent fait des tonnes (on les imagine repeignant le palais de Zon-Zon aux couleurs du rainbow flag ou installant l’intégrale Tom of Finland dans la bibliothèque du prince…), Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Jean-Guy Lecat (décors) et Frédéric Pineau (costumes) ont privilégié une approche pleine de tact, en parfait accord avec la finesse de la musique et l’esprit du livret de Bertati.
Vivant, coloré, le spectacle joue à plein la carte d’une pseudo-Chine avec des détails kitsch et quelques anachronismes bien trouvés - une télécommande pour l’écran d’ombres chinoises (bravo à Anusc Castiglioni et au Teatro Gioco Vita pour leur travail en direct !) sur lequel des silhouettes de sportifs en action régalent la vue du prince, un album de Tintin : Le Lotus bleu, on s’en serait douté.
Aussi homogène qu’impliquée, la distribution réunie par l’Opéra Royal de Wallonie est dominée par le Zon-Zon, aussi délicat et poudré que vocalement assuré, de Filippo Adami et par l’Agnesina d’Anna-Maria Panzarella. La mezzo grenobloise cultive avec aplomb vocal et drôlerie le côté « hommasse » que réclame son rôle, plus à l’aise en culotte et bottes qu’en robe à paniers. En parfait tandem dans les rôles des deux ministres, Juri Gorodezki (Ly-Lam) et Daniele Zanfardino (Si-Sin), contribuent beaucoup au rebond de l’action, tout comme le Geminiano d’Alberto Rinaldi – impayable lorsqu’il prend place dans le Bouddha-shiva enfumé à l’Acte III. Devenu mandarin, l’oncle épouse la charmante Xunchia (Liesbeth Devos), l’une des protégées des ministres avec Zyda ( Federica Carnevale) et Kam-Si (Priscille Laplace).
A la tête d’un orchestre maison en belle forme, Rinaldo Alessandrini – artisan majeur de la résurrection de L’Inimico avec Stefano Mazzonis di Pralafera - mène l’affaire avec une fraîcheur et une vitalité dénuée de toute brusquerie.
Une savoureuse (re)-découverte !
Alain Cochard
Galuppi : L’Inimico delle Donne – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 31 janvier, prochaine représentations les 1er, 3 et 5 février 2011
Diffusion sur Dailymotion, en direct le 3 février à 20h / www.dailymotion.com/orw
Colloque international Baldassare Galuppi
Les 4 et 5 février 2011
Salle académique de l’Université de Liège
www.operaliege.be
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Photo : Jacques Croisier
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