On l’oublie trop mais la destination première de Brundibár ne fut pas le théâtre du camp de Terezin : Hans Krása et son librettiste Adolf Hoffmeister avait troussé l’œuvre rapidement en 1938 pour répondre à un concours ouvert par le Ministère de l’enseignement qui souhaitait un opéra pour enfants. Le projet fut ajourné sine die, la guerre arrivait. Krása mit l’œuvre en répétition avec les enfants de l’orphelinat juif de Prague, reprit sa partition, l’amenda. Elle ne sera créée que durant l’hiver 1942 : peu après, le compositeur fut déporté dans le « camp modèle » de Terezin, il reprit à nouveau son ouvrage, l’adaptant aux instrumentistes présents, et sa version définitive fut créée le 23 septembre 1943. L’année suivante Krása était gazé à Auschwitz.

Ce conte s’est paré d’un verni d’horreur, les circonstances des cinquante-cinq représentations qui suivirent en ont fait une œuvre-témoin. Il est peut-être temps de considérer la musique de Krása en elle-même, ce que ne manquera pas de faire Olivier Opdebeeck à la tête de la Maîtrise de Caen et de l’Orchestre régional de Basse-Normandie (le rôle de Brundibár revient au baryton Simon Dubois). A Benoît Benichou (photo) le soin de trouver dans sa mise en scène le juste milieu entre le conte et la parabole. Et l’émotion devrait submerger Elsa Stein Weissberger, 85 ans, survivante du spectacle original où elle incarnait le Chat et qui viendra se joindre aux enfants lors du tableau final. En complément du court Brundibár, on découvrira quelques pages signées Pavel Haas, Krása ou Ilse Weber.

Jean-Charles Hoffelé
 
Hans Krása : Brundibár
19 et 20 mai 2015
Caen – Théâtre
theatre.caen.fr

9 juin 2015
Coutances – Théâtre Municipal
 
Photo © DR