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Bruxelles - Compte-rendu : Le Tour d’écrou revient hanter La Monnaie
Le spectacle de Luc Bondy dans son implacable simplicité refuse de vieillir ; a-t-on jamais proposé une mise en scène aussi subtilement coulée dans l’étrange poésie de terreur que distille la nouvelle de James ? Car c’est aux ambiguïtés du texte jamesien, à ses questions sans réponses, aux ouvertures vertigineuses qu’il effectue dans la psyché de la Gouvernante que Luc Bondy nous reconduit sans cesse. Pourtant sa direction d’acteur n’oublie jamais de s’appuyer sur la musique de Britten, et les inflexions du petit groupe instrumental, mené avec une remarquable acuité dramatique par Zygmunt Kowalski, se transforment en montreurs de marionnettes et tirent les ficelles de tous les personnages.
Mireille Delunsch entre avec son aisance habituelle dans la peau de la gouvernante, comme une main qui donne sa forme au gant, pas une couture ne parait, mais elle pêche par un anglais peu idiomatique, et une certaine fatigue vocale durcit progressivement son timbre à mesure que la soirée s’avance. Que le disque ou le DVD n’aient pas documenté le Peter Quint de Marlin Miller est simplement inimaginable : sans renoncer à l’héritage de Peter Pears, il renouvelle le personnage, lui donne une vie insolente, un humour pervers déroutant, la voix semble infinie, l’aigu d’une souplesse qui lui permet de moduler toutes les subtilités de ses intentions comme de ses déconvenues.
Impossible aussi de rêver Miss Jessel plus torturée, plus violente que Marie MacLaughlin. La fameuse scène ou les deux « fantômes » se retrouvent sous la lumière blanche et verticale de Dominique Bruguière semblait prendre pour la première fois tout son sens. Hanna Schaer de sa haute stature n’oublie pas d’exceller en Mrs Grose, chacune de ses interventions, même les plus modestes, donnaient à l’action un relief plus saisissant encore.
Mais les vrais héros du Tour d’écrou sont toujours les enfants. Le Miles de Ravi Shan possédait juste la perversion naturelle de l’enfance pour rendre son destin probable, et son soprano pointu donnait à sa scène de désespoir une vérité inquiétante. On n’est pas prés d’oublier son « Malo Malo ». Moins crédible, mais vocalement idéale, la Flora de Nazan Firket s’imposait comme la grande sœur parfaite, à la limite de l’adolescence, échappant aux implacables sortilèges qui guettent le monde de l’enfance et lui seul.
En sortant de théâtre, on avait une pensée émue pour Suzanne Chilcott, la plus parfaite Gouvernante que nous ayons jamais vue en scène, justement in loco en 1998, et qui nous a quitté en septembre 2003. On retrouvera cette production à Aix en Provence.
Jean-Charles Hoffelé
Théâtre de la Monnaie, Bruxelles, le 26 mars et les 29 et 31, puis le 3 avril.
Photo: DR/La Monnaie
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