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Buxtehude et Schütz par l’Ensemble Correspondances et Sébastien Daucé – Parfait équilibre – Compte-rendu
Réunir dans un même programme Dietrich Buxtehude et Heinrich Schütz est une évidence. Les deux compositeurs sont des piliers de la musique luthérienne avant Bach. Choisir pour chacun des compositeurs des œuvres du temps de la Passion, Membra Jesu Nostri et Da jesu an dem Kreuze stund en l’occurrence, renforce ce lien intime. Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances l’ont magnifiquement démontré dans un CD paru il y a tout juste deux ans chez Harmonia Mundi. Visiblement cette première incursion dans l’univers baroque germanique a été source de délectation pour les artistes : l’enregistrement a été suivi de nombreux concerts et une grande tournée européenne est en cours. Après Séville et avant Marseille, Caen a pu goûter les délices de compositions délicates et intimes.
Longtemps oublié, sauf pour sa musique d’orgue qui a tant fasciné le jeune Jean Sébastien Bach, Dietrich Buxtehude a laissé une œuvre vocale sacrée d’une richesse inouïe, dont Membra Jesu Nostri (Les membres de Notre-Seigneur Jésus) sont l’un des sommets. Ce cycle de sept cantates constitue autant de méditations sur les plaies du Christ en croix, depuis les pieds jusqu’à la face. La figure de rhétorique est évidente qui emmène l’auditeur de la terre vers le ciel. Chaque cantate écrite sur le même schéma alterne sonata, chœurs, duos, trios et solos. Chromatismes et dissonances traduisent les ultimes souffrances du crucifié ; mais l’œuvre ne relève pas pour autant de la déploration et son mysticisme n’est qu’apparent.
L’écriture de Buxtehude est d’un grand lyrisme et cette musique de l’âme exige de la part des artistes autant d’engagement que de retenue. Sébastien Daucé et Correspondances parviennent à cet équilibre, cette justesse d’interprétation sans rien surjouer. C’est l’un de leurs grands mérites. L’ensemble (10 chanteurs et 5 instrumentistes) donne de ces Membra Jesu Nostri une vision achevée, riche de sens et d’affects. La distribution variée des interventions solistes permet de goûter la personnalité de chaque voix. Essentiel dans ce genre de musique, le continuo (orgue, harpe, luth et théorbe) est d’une richesse et d’une variété qui méritent d’être saluées. De même que le choix des tempi, souvent apaisés. L’amen final, qui fait appel à tout l’ensemble, illumine la nef de l’église et sa flamboyance annonce déjà la résurrection.
Tout aussi délicate est l’interprétation de Da jesu an dem Kreuze stund, composé une génération plus tôt par Heinrich Schütz. Plus austères sans doute, expression du pur luthéranisme, italianisant aussi, ces sept dernières paroles du Christ en Croix permettent à Correspondances de montrer une facette plus sombre et tout aussi séduisante de leur art. Le Christ d’Etienne Bazola, d’une grande émotion, est envoutant, particulièrement ses cris de détresse au Père.
La troisième œuvre au programme, le choral Mit Fried und Freud ich fahr dahin, est comme un pont jeté entre Membra Jesu Nostri et Da jesu an dem Kreuze stund, grâce au contrepoint savant de Buxtehude magnifiquement rendu par les voix et les musiciens. La sérénité de l’interprétation est à l’image de la quiétude du départ évoqué dans le cantique de Siméon.
Thierry Geffrotin
Photo © T. Geffrotin
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