Un seul opéra à l'affiche des Chorégies cette année : il ne restait pas beaucoup de places sur les pierres du théâtre romain pour assister à Carmen. Cette production signée Jean-Louis Grinda arrivait bien rodée à Orange, déjà donnée ces dernières années à Toulouse, Monte-Carlo et, en février dernier (1), à Marseille. C’est là que le directeur des Chorégies, et metteur en scène de la production, a choisi l’Italienne Clelia Cafiero (2) pour diriger l’unique représentation d’Orange. Un vrai challenge pour la jeune femme qui, à 35 ans, emboîtait le pas aux Plasson, Casadessus, Franck et autre Myung-Whun Chung avec la tâche de faire briller un Orchestre national de Lyon, symphonique avant tout, qui abordait la partition de Bizet dans son intégralité pour la première fois de son histoire.
 

Clelia Cafiero © Christian Dresse

En quelques répétitions Clelia Cafiero aura tenu la gageure, dirigeant avec précision et sensualité un orchestre très présent, aux belles nuances et aux couleurs idéales. Dès lors il était dit que les femmes tireraient leur épingle du jeu en compagnie de la maestra. A commencer par Marie-Nicole Lemieux (photo), très attendue ici. La contralto québécoise, qui a longtemps pensé que ce rôle de femme libre lui échapperait, affirme ici une voix idéale de puissance et de précision avec une ligne de chant tendue, sans vibrato intempestif, ainsi qu’une présence scénique élégante et maîtrisée. Elle est Carmen sans aucun problème.
 

Jean-François Borras (Don José) & Alexandra Marcellier (Micaëla) © Philippe Gromelle
 
A Marseille, Alexandra Marcellier nous avait convaincu en Micaëla : bis repetita à Orange où, en dépit d’un environnement bien différent et autrement plus délicat à maîtriser, la jeune femme nous a fait vibrer avec, notamment, son air du troisième acte « Je dis que rien ne m’épouvante… » Charlotte Despaux (Frasquita) et Eleonore Pancrazi (Mercédès) ont elle aussi tiré leur épingle du jeu par leur présence scénique, mais aussi vocale, puisque très impliquées toutes deux, entre autres au cours des grands ensembles. Enfin, comment ne pas évoquer les prestations d’Irène Olvera, fascinante danseuse flamenca, tout juste âgée de quinze ans. Oui, cette Carmen, c’était au bonheur des dames !
 

Ildebrando D’Arcangelo (Escamillo) © Philippe Gromelle

Du côté masculin de la distribution, peut-être éprouvé par son incarnation « diabolique » de Faust dans le Mefistofele de Boito à Toulouse récemment, Jean-François Boras a eu du mal à imposer d’entrée de jeu son Don José, un rôle qu’il possède pourtant sur le bout des doigts… et de la langue. Il s’est libéré au fil de la représentation. L’Escamillo de Ildebrando D’Arcangelo, assez neutre vocalement, n’a pas véritablement convaincu, tandis que Luc Bertin-Hugault, (Zuniga) et Pierre Doyen (Moralès) n’ont pas démérité, de même que Franck Thézan (Lillas Pastia), Lionel Lhote (Le dancaïre) et Jean Miannay (Le remendado), ainsi que les chœurs des Opéras d’Avignon et de Monte-Carlo et les enfants de la maîtrise de l’Opéra Grand Avignon (avec Stefano Visconti à la coordination chorale).
 
Quant à la mise en scène et au dispositif concoctés par Jean-Louis Grinda, ils ont été peu appréciés, à notre sens un peu trop violemment aux saluts. Pour avoir vu cette production à Marseille puis à Orange, force est de constater que l’ensemble fonctionnait mieux en salle que sur l’immense plateau du théâtre antique, mais il n’empêche que le propos est toujours là, que Carmen meurt d’être une femme libre d’aimer et que Marie-Nicole Lemieux a brillé dans le rôle !
Un seul opéra à l’affiche des Chorégies cette année, mais la manifestation se poursuit jusqu’au 24 juillet avec, entre autres, un récital de Evgeny Kissin (11/07), une soirée avec le Ballet de la Scala de Milan (15/07) et un gala Verdi réunissant Anna Netrebko et Yusif Eyvazov (24/07).