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Casse Noisette par Le Royal Ballet, en direct de Royal Opera House de Londres – Au pays des bonbons – Compte-rendu
Noël, donc, car sans Casse Noisette il n’y a pas de fête chorégraphique : les enfants et les grand parents adorent, tout en gardant leur libre arbitre, car tous les Casse Noisette ne sont pas aussi séduisants, hors la musique de Tchaïkovski, bijou d’inventivité rythmique et instrumentale. Ici la retransmission la proposait de façon assourdissante, ce qui n’arrangeait pas les affaires du chef Barry Wordsworth, directeur musical du Royal Ballet, lequel conduit ses troupes avec une vigueur pas toujours justifiée : certes il y a des batailles de soldats de bois, mais il y a aussi du rêve, des flocons de neige, du vaporeux dans ce conte dont la version de Peter Wright, chorégraphe anglais aujourd’hui âgé de 94 ans , n’a gardé que le côté sucré. Cela fait déjà de nombreuses années que sa reprise en main du ballet chorégraphié par Lev Ivanov, dans un pays où la neige voulait dire quelque chose, fait les beaux soirs de Covent Garden et les plus grands solistes se prêtent au jeu avec un bonheur avoué.
Certes, l’histoire plus du tout hofmannienne et à peine dumassienne, est affadie par la figure adoucie d’un Drosselmeyer bon enfant, gentil tonton désireux de délivrer son neveu Hans-Peter du mauvais sort que lui a jeté la méchante reine des souris. On perd là, de même qu’avec une bataille de souris et de soldats bien peu effrayante, le côté sombre de ce conte initiatique dont la séduction troublante réside dans l’alternance des rêves et des cauchemars. Mais au diable nos réserves : la chantilly made in England est savoureuse, les décors rutilants, les couleurs douces, à l’exception de l’affreuse cape bleue de Drosselmayer qui jure avec le reste, les costumes brillent, on a même ajouté des anges de Noël rutilants et bien rouges, tandis que le sapin se développe d’une spectaculaire façon lorsque Clara pénètre dans la magie véritable de l’histoire.
Et puis, surtout, les interprètes jubilent, des interprètes qu’on connaît peu en France et qu’on découvre avec émerveillement : danseuse fluide, avec un charme poétique et des bras délicats, Anna Rose O’Sullivan laisse une trace gracieuse en Clara, son partenaire, le jeune et fringant Marcelino Sambé, bondit avec une énergie réjouissante. Le couple juvénile, à la limite de l’enfantin, est un régal. On passe au degré au dessus avec le somptueux duo que constitue, pour incarner la fée dragée et son prince, Marianela Nunez, vedette de la compagnie, et le longiligne Vadim Muntagirov, l’une des plus belles recrues russes du Royal Ballet, qui en a toujours collectionné de prestigieuses ! Elle dégage une élégance, une perfection expressive dans la moindre inclinaison de tête, le même battement léger de jambe, avec un sourire si intelligemment dispensé qu’on en oublie son côté obligatoire. Elle est la classe même. Tandis que Muntagirov, lui, promène son élégante stature de façon tout à fait naturelle et saute avec une largeur de parcours et une aisance sidérantes, sans jamais le moindre frémissement d’épaules, qui font de lui l’un des meilleurs Solor (dans la Bayadère) du moment, entre les nombreux rôles majeurs où le public anglais a la chance de l’applaudir. Gambadant autour d’eux comme un bon génie facétieux, Gary Avis, gentil Drosselmeyer, jubile manifestement de ce festin noëllesque.
La troupe, elle, s’en donne à cœur joie, avec enthousiasme et précision, et, autre atout de la retransmission, on a eu le plaisir de la voir présentée par la belle Darcey Bussell, l’une des grandes étoiles de la maison il y a peu, réputée pour sa beauté et sa brillante technique. Toujours attachée au Royal Ballet comme coach, elle n’a rien perdu de son charme.
Jacqueline Thuilleux
Tchaïkovski : Casse Noisette (chor. Peter Wright ; en direct du ROH) – Paris, Cinéma Le Louxor ; 3 décembre 2018 // www.rohcinema.fr/
Photo © ROH
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