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Compte-rendu : « Bad boys » par Bryn Terfel - La beauté du diable
Les occasions de se faire du bien n’étant pas si fréquentes, il ne faut jamais, au grand jamais, manquer une des trop rares apparitions françaises de Bryn Terfel. On sait la froideur du nouveau Pleyel, on sait son public plutôt traditionnel. Mais que surgisse des coulisses, roulé dans sa cape et portant son petit panier de canettes de bière, ce bougre de Terfel, et tous éclatent de rire.
Le Münchner Rundfunkorchester, remarquable d’ailleurs, vient d’achever la mise en bouche avec une ouverture de La Force du destin, œuvre qui n’a rien de drôle, et voilà notre homme qui arrive pour faire son numéro de charlatan de l’Elixir d’Amour : en un instant, on mesure l’immensité du phénomène. Aminci, ce qui ne nuit en rien à l’énormité de son personnage, ni à la splendeur de sa voix, laquelle garde toute son expressivité, son ampleur impressionnante et l’extraordinaire précision de son articulation, il distille la langue de Shakespeare, en présentant brièvement quelques-unes de ses incarnations ! C’est un régal.
Terfel s’empare des rôles, quels qu’ils soient, avec une puissance digne de l’Actors Studio, une faconde et une mobilité de comédien de Broadway, et un contrôle de ses mimiques qui en éloigne toute facilité, tout cabotinage excessif. Il est juste, toujours dans la note vraie et il ne faut pas s’y méprendre : derrière la bonhomie, l’extrême potentiel de sympathie de l’homme, perce aussi l’élégance d’un gentleman, et la rigueur d’un artiste rompu à toutes les finesses d’innombrables rôles maîtrisés.
Du coup le concert, sur le thème Bad boys (qui est également celui d’un CD paru il y a quelques mois chez DG), se déroule comme en un réjouissant album : des diables surgissent sans arrêt de la boîte Terfel, ceux de Boito et de Gounod, celui de Weber, et d’affreux humains, bien plus redoutables encore ; Scarpia, Iago, le Mackie Kesser de l’Opéra de quat’sous, le Sportin’ Life de Porgy and Bess. Mais on ne cesse d’admirer la graduation subtile qui le fait passer de la vraie à la fausse méchanceté, du vérisme exacerbé de Puccini à la vitalité enjouée de Sullivan dans Rudigore.
Il faut souligner que le concert s’est déroulé en totale harmonie avec le chef, gallois comme Terfel, Gareth Jones, lequel est devenu un des complices du chanteur. Celui-ci a même eu l’idée de ressortir la Danse macabre de Saint-Saëns, ancien standard devenu une rareté. Excellence, couleur et joie de vivre, le concert était décidément du meilleur cru !
Jacqueline Thuilleux
Paris, salle Pleyel, le 5 novembre 2010
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Photo : DR
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