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Compte-rendu : Beaux regards croisés - Chopin-Schumann aux Rencontres de Musique de chambre d’Albi
Depuis deux ans, le pianiste Denis Pascal a entrepris de redonner son lustre musical à la ville d’Albi dont l’impressionnante cathédrale est placée sous le patronage de Sainte-Cécile, protectrice des musiciens. Les concerts des Rencontres internationales de Musique de chambre se déroulent durant quatre jours dans différents endroits de la cité (Cour d’Honneur du Palais de la Berbie, Hôtel de Gorsse, Place Savène, Musée Toulouse-Lautrec…) et aussi à la Scène Nationale d’Albi, partenaire de la manifestation. La thématique choisie cette année est centrée autour des bicentenaires Chopin et Schumann mais ne se contente pas de puiser dans le répertoire le plus rebattu, convoquant aussi en prélude à ces journées des compositeurs moins fréquentés. Ainsi, au sein d’une programmation très dense mais d’une qualité constante, Tansmann et Mihalovici sont-ils célébrés – un clin d’œil à l’Ecole de Paris qui, entre les deux guerres, connut son heure de gloire.
Outre les 24 Etudes et les Trois Etudes posthumes de Chopin exécutées avec un brio athlétique et confondant par Maurizio Baglini, les Davidsbündlertänze de Schumann trouvent en Adam Laloum un messager fiévreux et poétique à la fois proche d’Eusebius et de Florestan. Sous les doigts d’Emmanuelle Swiercz, les pages de Rachmaninov, Liszt (Sonnet 104) et de Chopin (Berceuse) paraissent très naturelles et Frédéric Vaysse-Knitter apporte à la Fantaisie op 3 de Szymanowski une construction qui ne manque pas de panache. Malgré des conditions difficiles (les cloches de la cathédrale envahissent tout l’espace sonore), les Préludes de Chopin bénéficient de la vision très engagée et très pensée du sensible Geoffroy Couteau. Le plaisir de faire de la musique ensemble transparaît dans les Cinq pièces dans le style populaire de Schumann, servies par l’art intime et pudique d’Alain Meunier, tandis que la vision aérienne des Trois Romances pour hautbois et piano s’envole dans les volutes du hautbois enchanteur de Nora Cismondi.
Les Märchenbilder pour alto et piano sont proches de la féerie quand l’alto de Gérard Caussé emplit le silence de la nuit et l’expressif Quatuor op 47 pour piano et cordes de Schumann (avec le violoniste Eric Lacrouts à la sonorité fruitée, Gérard Caussé, la violoncelliste Marie-Paule Milone et Eric Le Sage au piano) plonge au plus profond du romantisme germanique. On aura des yeux de Chimène pour le jeune baryton allemand Konstantin Wolff (photo) qui, dans les Liederkreis op 39 et la ballade « Balthazar » op 57 de Schumann manifeste une autorité et une classe dans la lignée des grands mélodistes. La pianiste Anne Le Bozec, par la grâce et l’élégance de son jeu, se révèle une partenaire en accord parfait, sensible à cette communion d’âmes. Autres instants de rêve, l'Adagio et l’Allegro pour cor et piano de Schumann (superbe Benoît de Barsony, d’une maîtrise accomplie au cor dans cette œuvre redoutable), ainsi que le Quintette pour piano et vents de Mozart où la hautboïste Nora Cismondi, le clarinettiste Nicolas Baldeyrou, le bassoniste Julien Hardy et le corniste Benoit de Barsony entrelacent leur chant avec celui, aérien, du pianiste Denis Pascal.
Enfin Denis Pascal, maître d’œuvre de ces Rencontres, revisite le Concerto en fa mineur de Chopin dans la version pour clavier et quatuor à cordes, en témoignant d’une simplicité dans l’esprit de la musique de chambre sans jamais donner l’impression de forcer le ton. Attentif et concentré, le public goûte ces moments de musique pure dans l’acoustique idéale de la Cour d’Honneur du Palais de la Berbie.
Michel Le Naour
Albi, 2 et 3 juillet 2010
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Photo : DR
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