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Compte-rendu - Berlin Années 20 - le cabaret berlinois sanctifié par l’actualité
Ce pourrait bien être le spectacle de la prochaine saison tant il rencontre l’actualité la plus immédiate de tous les Français, à savoir les conséquences de la crise financière mondiale. Et pourtant, il ne s’agit là que de la première française d’un spectacle de cabaret berlinois qui vit, sous le titre original, o combien prémonitoire, de C’est dans l’air (sic !), les débuts dans une revue d’une certaine Marlène Dietrich au côté de son amie française Margo Lion. La date ? Vous ne me croirez pas ! 1929 bien sûr. Il n’y a pas une virgule à changer au texte de Marcellus Schiffer d’une brûlante actualité pour peu que vous remplaciez « Grands Magasins » par « Grandes Surfaces»… Quant à la musique de Mischa Spoliansky, elle a donné beaucoup d’idées à un certain Boris Vian ! Lui connaissait, pas nous.
Si un directeur de salle futé à Paris accueille cette revue satirique, il tient le succès de la saison, car il aura rencontré les préoccupations du plus large public. Mais, bien sûr, sur le mode comique. Car c’est le propre du cabaret berlinois d’être d’essence burlesque. C’est un peu notre bon vieux music hall avec ses chansonniers. Il mêle avec bonheur observation critique, cour de morale décalé, coq à l’âne à des tonnes d’humour. Tous ces 24 tableaux ne sont peut-être pas en eux-mêmes des chefs-d’œuvre impérissables, mais ils sont ici si bien traduits en français et scéniquement qu’on ne cesse pas de rire. Car tout le monde en prend pour son grade, clients, employés et patrons compris. La cruauté n’est pas absente de ces logiques poussées à leurs ultimes conséquences même les plus loufoques. Ce grand magasin est comme le chapiteau du grand cirque de la comédie humaine : tous des clowns !
A certains moments, on ne peut s’empêcher de songer au prologue de la Lulu d’Alban Berg. Mais la revue – genre oblige ! – dérape toujours à temps pour faire dérailler le train de la tragédie et le cabaret berlinois se contente d’être caustique, insolent, voire critique. Mais le clown a toujours une pirouette en réserve pour s’échapper derrière le rideau. Si je vous parle avec enthousiasme de cette revue, c’est que sa présentation atteint à un tel point d’équilibre dans la perfection entre ce que l’on voit et ce qu’on entend qu’elle exalte encore l’extrême actualité du sujet qu’elle aborde. Une huitaine de chanteurs jouent les Frégoli. N’ayant parfois pas assez de temps pour changer de costumes, ils doivent se contenter de les superposer, mais ces masques successifs eux-mêmes entrent dans la danse du spectacle : ils prennent un énorme plaisir à ce jeu pour nous donner du bonheur.
Quant à la demi douzaine de musiciens perchés dans les cintres comme dans un cirque, ils sont plus vrais que nature dans ce répertoire frère de celui de Kurt Weil. Au clavier, le chef Dominique Trottein est stupéfiant de spontanéité : car tout ce délire est mesuré, millimétré et travaillé jusqu’à atteindre à la vraie liberté de l’artiste. Si vous cherchez l’antidote à la morosité ambiante et à la crise tout court, le voilà : ne vous en privez surtout pas !
Jacques Doucelin
L’Usine de Saint-Céré, 31 juillet
Prochaines représentations : 5, 8 et 10 août, à 21 heures.
Berlin, Années 20 en tournée : Châlon sur Saône, 6 décembre, Niort, 8, Montauban, 18, Clermont-Ferrand, 2 janvier 2010, Sarreguemines, 8, Châtellerault, 22, Saint-Affrique, 23, Millau, 24, Lavelanet, 11 février, Saint-Gaudens, 21, Blagnac, 18 mars, Oullins, 28 et 29 avril, Cahors, 4 mai.
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