Chef de grande tradition qui a occupé des postes prestigieux aussi bien à Dresde, Leipzig, Bamberg, qu’à San Francisco, Herbert Blomstedt est, à quatre-vingt-quatre ans, une imposante figure de la direction d’orchestre. Sa venue à la tête de l’Orchestre de Paris a valeur d’événement dans un programme surprenant où le Concerto pour piano et instruments à vent de Stravinski (1924) cohabite avec la monumentale Symphonie n°5 de Bruckner (1878). Pianiste étincelant mais dérangeant par sa gestique, le Finlandais Olli Mustonen ne fait qu’une bouchée de l’œuvre hybride et motorique de Stravinski dont il dégage, avec une précision non dénuée de vie, toute la substance un tantinet aride. Accompagnement efficace et sans états d’âme de Blomstedt, attentif aux moindres évolutions du soliste.

La seconde partie est de taille : plus d’une heure vingt de musique dense que Bruckner échafaude telle une cathédrale radieuse à l’architecture tendue jusqu’au ciel. Maître de chaque inflexion dans cette 5e Symphonie qu’il possède par cœur jusqu’à ses moindres détails, le chef installe dès l’introduction un climat mystérieux qui débouchera, dans le gigantesque Allegro moderato final, sur une tension dramatique à soulever les pierres. Jamais compacte, mue par un souci constant des contrastes, des liaisons entre les articulations, cette lecture austère mais capable de poésie et de tendresse (Trio du Scherzo), d’une lisibilité fascinante dans le contrepoint et les fugues conclusives, entraîne l’orchestre sur des sommets expressifs d’une rare éloquence. Les musiciens font un triomphe à ce grand bâtisseur qui a pour chacun un geste ou une parole. Le public reste sous le choc de ce voyage au sommet du panthéon brucknérien…

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel – 25 mars 2010

> Programme détaillé et réservations à la Salle Pleyel

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : DR