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Compte-rendu : Coppélia selon Patrice Bart à l’Opéra de Paris - L’œil du maître

Salles bondées, danseurs étincelants, le public applaudit à tout rompre : ce Coppélia, dont on pensait qu’il avait tout dit tant il est un basique du répertoire classique, a encore bien des choses à sortir de son chapeau de magicien. Œuvre à la musique exquise, - on ne soulignera jamais assez la finesse de l’instrumentation et le sens mélodique de Delibes, même si Coppélia n’égale pas Sylvia -, à la dynamique enlevée par ses rythmes endiablés d’Europe centrale, elle semblait cataloguée au rayon des productions de charme.

Celle-ci, qui vit le jour en 1996, n’en manque pas, mais elle y a ajouté la profondeur, du fait de la vision de Patrice Bart, lequel n’est cependant pas un chorégraphe de métier. Bart a creusé l’argument sur son socle hofmannien, faisant de Coppélius non plus un vieux fou grotesque, mais un homme au charme mûr, plongé dans des rêves qu’entretient l’opium. Ces visions dégagent un trouble qui donne une toute autre coloration au ballet. Décor sombre, mais que réveillent la pétulante jeunesse de Swanilda, Frantz et leurs amis, dont les costumes à la Degas rappellent l’amour que Bart a pour ce peintre, auquel il a consacré un ballet entier, La petite Danseuse de Degas, vapeurs qui noient les sens des jeunes gens -et font tousser le public- tout prend une dimension de conte initiatique plus que de joyeuse mascarade : le nœud en étant la séduction que Coppélius exerce sur Swanilda, telle Zerlina flattée par Don Giovanni, face à la candeur de son juvénile fiancé, chasseur de papillons.

Rôles en or, car Swanilda doit déployer toutes les gammes d’une séduction féminine qui trouve plus fort qu’elle, entre pirouettes et danses de caractère, que Franz a la part belle en sauts et cabrioles et qu’enfin Coppélius, cousu sur mesures sur le beau José Martinez, masque sombre et romantique d’Onéguine ou Montecristo, recentre l’intérêt sur sa figure étrange, explicitée par une chorégraphie contournée, tandis que le reste du ballet participe d’une gestique plus classique.

Un grand salut pour Dorothée Gilbert, à la queue de cheval et au mollet virevoltant avec une assurance confondante, à Mathias Heymann, aussi léger qu’un elfe, et à José Martinez, fascinant. Et plus encore à Patrice Bart, qui marque là sa fin de carrière en tant de « maître de ballet associé à la direction de la danse », après cinquante-quatre ans au sein d’une troupe dans laquelle il est entré par dispense spéciale à 14 ans et demi, en 1959. Et qui le fêtera tout particulièrement le 30 mars, avec défilé en majesté émergeant du grand foyer. La moindre des choses pour un ballet qui vit le jour dans une France qu’allait mutiler la Guerre de 70.

Jacqueline Thuilleux

Delibes : Coppélia (chorégraphie de Patrice Bart) – Paris, Palais Garnier, représentation du 17 mars, représentations jusqu’au 30 mars 2011.

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Photo : DR
 

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