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Compte-rendu : Danse / Parzifal de John Neumeier au Palais Garnier - Où la chorégraphie tend au mysticisme
Ce n’est pas la première fois que John Neumeier se confronte à une quête spirituelle. Elle lui a donné quelques-uns de ses plus grands chefs d’œuvres, notamment la Passion selon Saint-Matthieu, dansée en intégralité dans l’église San Michaelis de Hambourg, et le Magnificat, fait pour l’Opéra de Paris. Mais d’autres figures, tout aussi sacrées que celles des Evangiles ont émaillé son aventure chorégraphique, ainsi celle de Nijinski, danseur star, créateur conspué de son temps et homme martyr, cerné dans un ballet-fleuve très prenant. Son Parzifal, créé il y a quatre ans, est de la même eau. Dire qu’il est difficile d’atteindre à la spiritualité par le geste est une évidence, car il faut transcender le corps pour en faire un vivant message d’immatérialité : d’où parfois, comme le faisait Béjart et comme le fait aujourd’hui Neumeier, l’utilisation de gestes symboliques et codés, forme de pantomime un peu hermétique.
On n’ose appeler ballet une telle somme car le genre aimable né dans les cours se trouve ici porté à ses extrêmes d’expressivité et d’ambition. D’autant que Neumeier, avec l’honnêteté qu’on lui sait, n’a pas joué la séduction, puisqu’il a évité de s’appuyer sur Wagner comme support. Il fait de Parsifal un héros presque quotidien, dépouillé de tout médiévalisme, malgré quelques indices décalés, même si son thème lui est imposé par la lecture approfondie de Chrétien de Troyes et de Wolfram von Eschenbach, et le place dans un monde onirique, dont les canons esthétiques se veulent modernes et quasi ascétiques. La musique, elle, regroupe avec bonheur des pièces de John Adams et d’Arvo Pärt, outre un emprunt- tout de même - à Wagner pour la déchirante mort de la mère de Parsifal.
A l’évidence, l’œuvre décontenance, car elle est presque suffocante dans son désespoir, sa folie, ses scènes de violence en rafale - très germaniques d’ailleurs -, ses plages d’abattement, son étrangeté avec ses anges noirs ou blancs traversant la scène comme au-delà de l’action, Elle mérite d’être vue et revue, pour mieux se pénétrer de sa douloureuse tension. Mais comment ne pas être fasciné par le lent martyre du Roi pêcheur, l’apparition des trois héroïnes vêtues de rouge, évoquant trois gouttes de sang sur la neige, l’isolement terrible du héros ?
On imagine bien que pour rendre de telles interrogations, il faut un groupe d’interprètes pénétrés tels des disciples. C’est bien évidemment le cas du Ballet de Hambourg, compagnie-confrérie, d’une extrême qualité expressive autant que technique, rompue à tous les exercices du maître Neumeier. Les deux incarnations de Parsifal, l’étonnant Edvin Revazov, à la stature de titan et au visage d’enfant, ainsi que le plus humain Alexandre Riabko, bouleversent par leur engagement. Et si toute la compagnie, on l’a dit, comble par sa qualité et sa beauté, on se doit de remarquer la présence de ses deux étoiles féminines majeures, Joëlle Boulogne et Hélène Bouchet, françaises de Cannes !
Jacqueline Thuilleux
Parzifal, ballet de John Neumeir - Palais Garnier, le 12 novembre, représentations jusqu’au 16 novembre 2010
Concertclassic est heureux de vous signaler la parution de l’ouvrage de notre collaboratrice Jacqueline Thuilleux : John Neumeier, trente années de ballet à l'Opéra de Paris (Ed. Gourguff-Gradenigo – 25€)
La Rédaction
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Photo : Holder Badekow
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