Journal
Festival de Pâques d’Aix-en-Provence 2025 – Bonheurs symphoniques – Compte rendu

La deuxième semaine du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – dont on peut dire que douze ans après sa création il est incontournable en Europe – a offert des moments de grand(s) bonheur(s) en compagnie de quelques uns des meilleurs orchestres, directeurs musicaux et solistes du moment.

Julia Hagen © Caroline Doutre
Beethoven debout !
Dès le lundi de Pâques, le ton de la semaine était donné avec un trio éblouissant : l’Orchestre de chambre du Festival de Verbier, Gábor Takács-Nagy à la direction et la jeune Julia Hagen, dans le Concerto pour violoncelle d’Elgar. Une interprétation comme un grand écart entre la jeunesse de la soliste, tout juste âgée de trente printemps, et l’intense charge émotionnelle d’une œuvre sombre et inquiète, composée par Elgar au sortir de la Grande Guerre. La violoncelliste n’est pas passée à côté de son sujet, procurant à cette œuvre toute sa dimension contemplative, en osmose totale avec un orchestre particulièrement attentif. Après la pause, les instrumentistes, en formation de chambre, se retrouvaient pour donner la Symphonie n°7 de Beethoven, emplie d’un dynamisme et d’une joie qui contrastaient avec ce qui avait précédé. La direction énergique et sensible de Gábor Takács-Nagy trouvait du répondant chez des musiciens qui jouaient Beethoven debout, comme le chef hongrois le demande souvent aux formations qu’il dirige. Pour un résultat remarquable d’engagement et de musicalité : debout ,la salle l’était aussi aux moment des saluts !

Julia Hagen © Caroline Doutre
Le « Philhar » tellement russe
Quatre jours plus tard, le sommet annoncé était atteint avec le Philharmonique de Radio France, en compagnie de son bientôt ex-directeur musical Mikko Franck et de la pianiste italienne Beatrice Rana. A l’inverse du concert du lundi, c’est le concerto, le n° 1 pour piano en si bémol mineur de Tchaïkovski, qui débordait de virtuosité tandis que la 10e Symphonie de Chostakovitch était emplie des couleurs sinistres de l’ère de plomb stalinienne. Que dire de l’interprétation de Beatrice Rana sinon qu’elle ne manquait ni de puissance, un peu trop peut-être, ni de rigueur formelle, au détriment de la couleur et des nuances. Il est vrai que l’accompagnement orchestral était des plus vigoureux et que, dans le dialogue avec la soliste, c’était parfois « à qui m’entendra le plus ». Pour Chostakovitch, en revanche, ce volume, parfaitement maîtrisé et utilisé par Mikko Franck, permettait au « Philhar » de sonner idéalement à tous les pupitres, et d’apporter à l’Opus 93 sa dimension « historique » post-stalinienne avec des accents déchirants et oppressants avant d’arriver à un final en forme d’étrange « libération ».

Lucas Debargue © Caroline Doutre
Constellations catalanes et… Debargue in the mood
Enfin, pour accompagner Lucas Debargue, génial soliste du Concerto pour piano et orchestre de Gershwin, Ludovic Morlot était à la tête de l’Orquestra Simfònica de Barcelona y Nacional de Cataluña – formation dont le Français est directeur musical depuis 2022 . Un concert exceptionnel à plus d’un titre puisqu’il offrait aussi la création française de Deux constellations pour orchestre d’après Joan Miró, pièces composées en 2024 par Hèctor Parra. Le compositeur barcelonais est venu les présenter lui-même sur scène avant l’interprétation magistrale qui en était livrée par une formation très impliquée sous la direction d’un chef attentif et soucieux de mettre en valeur jusqu’à la plus petite nuance de l’œuvre. Deux Constellations très équilibrées, agréables à l’oreille sans être trop simplistes, témoignant du talent d’un créateur qui devrait poursuivre son travail et étoffer un cycle d’après les œuvres éponymes de Miró.
Pour Gershwin, Lucas Debargue était arrivé avec son instrument fétiche signé du dernier facteur de piano de France, Stephen Paulello, et son clavier à 102 touches. A l’instar de sa complicité avec Ludovic Morlot et son orchestre, l’interprétation du Concerto en fa majeur fut magistrale et inspirée, le pianiste n’ayant aucune peine à colorer son interprétation, son piano se prêtant idéalement à une lecture dynamique entre classicisme et jazz. Good job pour un pianiste qui, en bis, gratifia le public d’une subtile et virtuose improvisation sur Summertime. Pour conclure le concert, les Catalans et leur chef offraient une vision en cinémascope appréciée des Tableaux d’une exposition de Moussorgski/Ravel avant de retrouver Gershwin en bis avec Walking the dog.
Michel Egéa

Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence les 21, 25 et 26 avril 2025
La prochaine édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence aura lien du 28 mars au 12 avril 2026.
© Caroline Doutre
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