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Compte-rendu : Diablement réussi ! Fanny Ardant et le Scharoun Ensemble au Musée d’Orsay
On a souvent eu l’occasion de l’écrire - et de le saluer - dans ces colonnes, l’Auditorium du musée d’Orsay a le goût des programmes atypiques. C’était une fois de plus le cas pour le lancement d’un cycle de trois concerts proposés parallèlement à l’exposition «Crime et châtiment ». Luxueuse entrée en matière puisqu’elle invitait le Scharoun Ensemble – des instrumentistes issus des Berliner Philharmoniker réunis sous le nom de l’architecte du célèbre bâtiment de la Philharmonie de Berlin – pour un programme Hindemith-Stravinski sur le thème du Diable.
Un moment d’inattention a conduit l’un des musiciens à oublier sa partition de Hindemith à l’hôtel. Tant mieux car, après quelques minutes de battement, cinq des Berlinois décident de combler l’attente de leur collègue avec le mouvement initial du Quintette avec clarinette de Brahms : un commencement inattendu où la rondeur de l’instrument d’Alexander Bader fait merveille. Après la douce poésie brahmsienne, le surgissement du ballet-pantomime Le Démon d’Hindemith par les Scharoun au grand complet ne produit que plus d’effet ! Une partition de 1922, hétéroclite et turbulente comme son jeune auteur, mais dont les musiciens explorent avec une virtuosité à toute épreuve les climats mouvants ; de la rude Danse du Démon introductive à la plongé abyssale que constitue la noire et saisissante Danse de la bête battue – dont la force d’émotion doit beaucoup aux sonorités inquiétantes que Majella Stockhausen (la fille de l’auteur de Stimmung) tire de son piano.
Autre visage du malin, L’Histoire du Soldat de Stravinski associe Fanny Ardant aux instrumentistes allemands. On a déjà vu des comédiens ou comédiennes célèbres s’aventurant dans le domaine classique avec plus ou – surtout - moins de bonheur… N’insistons pas et commençons plutôt par saluer le professionnalisme avec lequel Ardant s’est acquittée de sa tâche : pas une syllabe perdue, une précision millimétrique dans une œuvre qui ne tolère pas l’à-peu-près. Et l’artiste de nous entraîner de sa voix incomparablement timbrée dans le mélodrame de Ramuz dont elle dessine les personnages sans qu’il lui soit nécessaire de forcer le trait. Sa troublante présence poétique trouve chez ses partenaires, aussi précis que dénués de l’urticante verticalité dont l’ouvrage souffre souvent, un écho vivant et fluide. Accueil enthousiaste d’un auditorium bondé, à la mesure d’une soirée hors des sentiers battus et… diablement réussie !
Après un programme sur le thème de la mort avec Laurent Naouri et David Abramovitz (27/05), le cycle « Crime et châtiment » d’Orsay promet de nous faire mourir… de rire ! Le 10 juin, Dame Felicity Lott et Ann Murray, accompagnées par Graham Johnson, ont en effet prévu un savoureux « Crimes et… chatouillements ! »
Alain Cochard
Paris, Auditorium du musée d’Orsay, Samedi 13 mars 2010
(diffusion en différé sur France Musique, le 23 mars à 16h)
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Photo : DR
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