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Compte-rendu : Gala d’hommage à la Plissetskaïa - Une figure magique
Lors de ce gala organisé par la Fondation Liepa et les Amis des Saisons Russes du XXIe siècle, on a vécu l’incroyable devant une silhouette hors du temps, fine et souple comme une liane, perchée sur ses escarpins, scintillant non tant à cause des broderies de sa tunique que grâce à ses yeux d’escarboucle, son sourire éclatant, son port langoureux et altier. C’est Maïa Plissetskaïa, reine incontestée de l’arène du ballet classique, et cela depuis… soixante-cinq ans.
Certes, l’assoluta déesse du Bolchoï se contente aujourd’hui d’apparaître et de conseiller, mais cela suffit pour donner une extraordinaire leçon de vie, de classe et d’élégance. Les qualificatifs se bousculent pour évoquer cette petite juive russe, à la famille meurtrie par le pouvoir soviétique, et qui toute sa vie, s’est vengée de cette oppression bestiale : ballerine prodige, à la beauté et au charisme envoûtants, elle fut l’une des vitrines du régime, agitée telle un emblème de luxe dès qu’un visiteur d’importance devait être par reçu par Khrouchtchev, notamment.
Mais elle n’a jamais plié, indomptable, somptueuse, carnassière, terrible. Avec son mari, le compositeur Rodion Chtchedrine, qui signa la très contestable Carmen-Suite, elle a peu à peu construit sa légende, cygne comme aucun chorégraphe ou poète ne le rêva jamais, ensorcelante Zarema de la Fontaine de Bakhtchtissaraï, pétillante Kitri dans Don Quichotte. Et les plus grands maîtres se sont mis à ses pieds, à commencer par Béjart, qui la disait « flamme », le mot qui lui va le mieux : utilisant à plein son potentiel dramatique, il la fit Léda, Isadora, tandis que Petit lui offrit sa Rose malade.
Qu’on imagine : défilent sur scène les plus prestigieux couples de la maison Bolchoï, éclatants de beauté et de virtuosité, avec une préférence pour l’impalpable velouté de Maria Alexandrova, et la beauté olympienne de son partenaire, Mikhail Lobukhin , et pour la présence trouble, électrique d’Ilse Liepa, la seule à trancher sur l’académisme , en Schéhérazade ou dans le Boléro de Ravel : intermédiaire entre Ida Rubinstein, telle qu’on l’imagine d’après les images demeurées, et l’intensité provocante de Plissetskaïa. Maïa, elle, domine la corbeille, comme dans une mandorle, en compagnie de son complice et adorateur Pierre Cardin, qui lui offrit à plusieurs reprises son Espace et conçut pour elle de splendides costumes. Le public rampe à ses pieds, implorant signatures et photos, comme si le spectacle se détournait vers ce foyer.
Puis, au final, la diva est apparue sur scène, justifiant la légende une fois de plus, qui dit combien les « saluts de Maïa valent tout un ballet », ondulant, lançant ses bouquets comme une danseuse indienne ou un cygne, elle a soudain réincarné, en quelques gestes sur le Boléro, la silhouette énigmatique et torride de ce rôle que Béjart lui confia. Féminine, sphinge, belle, immuable : 85 ans ! Viva Maïa.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Théâtre des Champs-Elysées - 6 décembre 2010
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