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Compte-rendu : Graslin en Espagne - Nicola Beller Carbone en récital
Nantes était à l’heure ibère : le Festival du Cinéma espagnol battait son plein et Graslin programmait un récital de Nicola Beller Carbone, une Tosca justement célébrée la saison passée dans la production de Patrice Caurier et Moshe Leiser, une des Salomé majeure de sa génération, récital consacré non à l’Espagne mais aux Espagnes : des Catalognes si différentes d’Enrique Granados et de Federico Mompou, à l’Andalousie de Manuel de Falla en passant par la Castille de Joaquin Turina. Allemande par sa naissance, la soprano a grandi et fait ses classes à Madrid, elle n’ignore rien de ce répertoire et en possède naturellement la science vocale.
N’empêche : on reste interloqué qu’une grande chanteuse lyrique soit aussi à l’aise dans la mélodie. L’ampleur de la voix sait se plier aux inflexions insinuantes des Tonadillas de Granados, qu’elle chante sans la distance aristocratique avec laquelle on règle habituellement leur délicat problème d’affect, les transformant en autant de saynètes, voyant derrière les poèmes de Periquet les tableaux de Goya qui les ont inspirés. Admirable d’humour, d’élan, d’élégance coquette, et avec toutes les ombres, les saisissements tragiques que Granados sait faire affleurer comme autant de fantômes.
Elle se transforme avec une aisance déconcertante en gitana, installant sans ambiguïté le cycle de Falla dans l’Albaicin, et dévoilant les vrais sens des mots : cette tâche qui ôte toute valeur au drap qu’on voulait vendre est bien la métaphore d’une virginité perdue qui condamne la jeune fille à la prostitution, on le sait, mais on ne l’avait pas entendue aussi finement soulignée depuis Anna-Maria Iriarte. C’est tout dire. Admirable ensemble Mompou, avec de rares mélodies françaises, splendide cycle du Poema en forma de Canciones où le piano timbré et alerte de Todd Cambrun prenait toute sa part – Turina lui réserve un grand prélude qui fait plus que planter le décor -, bis étincelants qui détaillent Poulenc ou Kurt Weill avec un art qui cache l’art. Soirée bénie, on ressortait de Graslin le pas léger.
Jean-Charles Hoffelé
Nantes, Théâtre Graslin, le 30 mars 2010
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Photo : Laurent Guiraud
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