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Compte-rendu : Hommage à Pauline Viardot à Orsay - Une subtile évocation
Sœur de Maria Malibran et fille de Manoel Garcia, ténor et pédagogue, Pauline Viardot fut tout à la fois cantatrice, pianiste, compositrice, professeur et conseillère, figure emblématique d'un cénacle culturel et artistique parisien de la seconde moitié du XIXème siècle.
Organisatrice de salons littéraires et musicaux très courus, elle fut en effet l'amie et la confidente des plus grands artistes de son temps (Musset, Gautier, Sand, Berlioz, Gounod, Massenet, Tourgueniev...) influente autant qu'avisée, jusqu'à sa mort en 1910. Succédant au très bel hommage qui lui fut rendu au Châtelet en 2006, où Fanny Ardant était entourée de Frederica von Stade, d'Anna-Caterina Antonacci et de Vladimir Chernov, Graham Johnson a choisi d'évoquer la mémoire de cette artiste protéiforme en reconstituant l’une de ces fameuses soirées musicales données chaque jeudi à l'Hôtel de Douai.
Le public du Musée d'Orsay a pu ainsi saisir grâce aux textes lus avec pertinence par Nicolas Vaude, les différentes étapes de la carrière de Pauline Viardot, contralto au large ambitus, créatrice de nombreux opéras (de Sapho au Prophète), célèbre Orphée de Gluck dans la version remaniée par son ami Berlioz, qui su s'entourer d'écrivains et de poètes, de musiciens et de compositeurs, connus ou en passe de le devenir, exerçant sur chacun d’eux une puissante fascination.
Hôtesse au charme inaltéré, Felicity Lott incarnait Pauline, tandis que la jeune mezzo espagnole Clara Mouriz jouait tantôt sa fille, tantôt sa mère au gré d'un programme en quatre parties (l'opéra, les tournées, l'oratorio et l'Espagne) subtilement réalisé.
Toujours très en voix, Dame Felicity rompue à cet exercice, a une fois de plus démontré avec quelle facilité elle pouvait passer de la mélodie la plus élémentaire à l'aria la moins aisée, toujours attentive aux mots, aux contextes et aux climats dépeints. Fine et légère « Coccinelle » d'Hugo mise en musique par Saint-Saëns, fragile chez Schumann (extrait du Liederkreis), langoureuse dans « Nocturne » de Franck, ou tendrement poétique pendant « Au bord de l'eau » de Fauré, elle s’est montrée insurpassable dans l'air de Marie-Madeleine de Massenet « Quelle est lente à venir la douloureuse aurore » et impressionnante, parce qu'inattendue, dans l'air de Sapho « O ma lyre immortelle » négocié certes avec prudence (et sans le si bémol conclusif), mais interprété avec une intense émotion et une touchante vérité.
Moins affirmée que son illustre consœur, mais prometteuse, Clara Mouriz, proche de timbre de la première Von Stade, après un Samson et Dalila à la technique hasardeuse (« Amour viens aider ma faiblesse »), a su attirer l'attention avec une adorable « Coccinelle » de Bizet cette fois, une très émouvante « Chanson du pêcheur » de Gautier par Fauré (magnifiée par Berlioz dans Les nuits d'été, « Sur les lagunes ») et une Cancion de l'Infanta de Viardot, joliment colorée. Soprano et mezzo (mère et fille) ont également mêlé leurs instruments et leurs personnalités complémentaires au cours de différents duos signés Brahms/Viardot (amusantes « Bohémiennes » d'après Victor Wilder), Brahms (« Die Schwestern », cocasses), Gounod (« Un cœur qui t'aime » d'après Racine), Viardot/Musset pour des « Filles de Cadix » délurées, ou encore Saint-Saëns (« Pastorale », « El Desdichado »), vaillamment assumés et accompagnés avec une diabolique précision par Graham Johnson. En bis, un dernier duo complice, « Alla Zuecca » de Massenet sur un texte italien de Musset, concluait ce salon en souvenir d'une femme exceptionnelle.
François Lesueur
Paris – Auditorium du Musée d’Orsay, 17 mars 2011
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Photo : DR
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