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Compte-rendu : Janacek chez Kafka - L’Affaire Makropoulos à Nantes


Le tandem Patrice Caurier-Moshe Leiser, dont les mises en scène font toujours preuve d’une imagination débordante, ne pouvait trouver meilleur livret que celui tiré par Janacek de l’ouvrage de Karel Capek pour son Affaire Makropoulos.

Aux frontières du fantastique et de la science fiction (« La plus grande chanteuse du monde », Emilia Marty, âgée de 337 ans, cherche le moyen de récupérer la recette d’un élixir qui lui donnerait enfin le droit de mourir comme tout un chacun), la partition de Janacek créée à Brno fin 1926 procure une impression d’étouffement, d’enfermement, accusée par une musique drue et incisive proche de l’idiome tchèque. La représentation constitue, à cet égard, une merveille de compréhension de cette œuvre complexe, constamment tendue, qui laisse peu de place à l’abandon et à l’imprécision. Le décor, à travers un dédale d’éléments d’esprit cubiste suggérant bibliothèque, archives au premier acte et bagages entassés au second, décline tout un univers proche de celui de Monsieur K. dans Le Procès de Kafka.

La direction d’acteurs, éblouissante, souligne les différents états d’âme des personnages aux costumes chatoyants et parfois extravagants, rappelant le monde de la dérision du Brave soldat Chveïk pris entre causticité et absurdité. Dans le rôle-titre, Kathryn Harries fait une prestation remarquée, troquant son aspect de diva mante-religieuse au profit d’une interprétation à visage humain qui, au fil du déroulement de l’action, prend sa véritable dimension. Personnage de bande dessinée (au II elle est même grimée en clown), elle adapte son chant aux avatars d’une narration qui conduit de l’immortalité à sa mort enfin désirée. Le plateau est d’une cohésion sans faille tant sur le plan vocal que sur le plan théâtral. Chaque protagoniste bien identifié, parfois à la limite de la caricature, semble sorti d’un tableau haut en couleur. Le lyrisme de Janacek emporte, in fine, tout sur son passage.
A la tête de l’Orchestre National des Pays de la Loire, l’Irlandais Mark Shanahan à la rythmicité implacable, à l’intensité prenante, se révèle d’une authenticité digne de tous les éloges face à cette partition exigeante.

L’attention du public, la curiosité et l’intérêt manifeste qu’il porte à cette représentation est le signe de la qualité du travail effectué une fois de plus par l’Opéra de Nantes – Angers. Une production qui fera date. Il reste encore deux représentations à Angers ; ne les manquez pas !

Michel Le Naour

Janacek : L’Affaire Makropoulos - Nantes, Théâtre Graslin, 6 juin 2010, prochaines représentations à Angers (Le Quai) les 13 et 15 juin.

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Photo : DR

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