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Compte-rendu : Joyce DiDonato en récital au TCE - Magnétique !
Venu nombreux pour partager un moment d'intimité musicale avec l'irremplaçable Joyce DiDonato, le public a eu le privilège de découvrir le programme de son prochain album intitulé "La voix d'Orphée" (1). Visiblement émue par l'accueil qui lui a été réservé, la cantatrice a précisé combien le travail avec l'Orchestre de l'Opéra de Lyon et son chef Kazushi Ono s'était révélé fructueux et à quel point elle était heureuse de pouvoir le restituer à Paris après une semaine de labeur.
Kazushi Ono aurait pu se contenter d'insérer entre Mozart, Gluck, Offenbach, Berlioz et Rossini quelques pages vouées au remplissage, or celui-ci a dirigé avec allant et spiritualité la Sinfonietta de Poulenc, modèle de chic à la française, dont la pulsation et les couleurs pimpantes nous ont mis le feu aux joues.
En très grande forme vocale, la mezzo américaine est passée sans faillir des premiers émois amoureux de ce galopin de Cherubino, avec un attendrissant "Non so più" des Noces de Figaro, aux troublantes palpitations du coeur de Susanna ("Deh vieni non tardar") ; sa voix d'une souplesse infinie, aux accents nuancés et langoureux se prêtant aussi bien à l'adolescent qu'à la servante.
C'est pourtant avec La clemenza di Tito de Gluck et le rare "Se mai senti spirarti", que le compositeur recyclera plus tard pour l'air d'Iphigénie en Tauride "Oh malheureuse Iphigénie", que DiDonato a su capter l'auditoire par l'admirable magnétisme de son chant, somptueux de ligne et paré de mille facettes. Un triomphe mérité immédiatement suivi par un étourdissant rondo de Vitellia "Non più dei fiori" tiré de La clemenza di Tito de Mozart, aussi beau et puissant que celui chanté jadis par Julia Varady, avec un récitatif ciselé et une aria vigoureuse et cinglante, d'où se détachait toute l'ambiguïté du personnage.
Après deux ouvertures dirigées dans les règles de l'art, Iphigénie en Aulide et Béatrice et Bénédict, Kazushi Ono a su sertir avec délicatesse la belle voix de la chanteuse, accompagnant ses phrasés vaporeux (Orphée aux enfers), puis l'ivresse sans égale du célèbre air de bravoure "Amour, viens rendre à mon âme" d'Orphée et Eurydice, conçu par Berlioz pour Pauline Viardot, intrépide autant que maîtrisé.
Bien connue dans le rondo final de Cenerentola, Joyce DiDonato a une fois encore ébloui par la vivacité de sa technique, la plénitude de son timbre et la variété de ses modulations, comme si celle-ci n'en finissait pas de redécouvrir ce morceau d'anthologie. Un seul bis, mais de taille, l'air de Sesto "Parto, parto" de La clemenza mozartienne, interprété avec un aplomb sensationnel, une dynamique et un souffle inépuisables qui font de cette cantatrice l'une des plus glorieuses de notre temps.
François Lesueur
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 22 septembre 2010
(1)à paraître en janvier prochain chez Virgin Classics
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