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Compte-rendu : Julie de Philippe Boesmans - Un modèle de théâtre musical
Opéra de chambre en un acte d’à peine une heure et demie, Julie, dernier opéra en date de Philippe Boesmans créé voici cinq ans à La Monnaie de Bruxelles, ne compte qu’un trio de solistes : une œuvre idéale pour des chanteurs débutants, idéale aussi pour participer à une tournée. Une légèreté de structure qui n’exclut pas pour autant la profondeur de l’analyse des sentiments. La Ronde d’après Arthur Schnitzler, qui au début de sa carrière avait assuré la réputation internationale de Boesmans, fit elle-même récemment l’objet d’une version de chambre présentée à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille par des étudiants chanteurs.
Cette nouvelle Julie à l’affiche du théâtre de l’Athénée Louis Jouvet après La Scène nationale d’Orléans est elle aussi le fruit du travail de trois jeunes interprètes sous la houlette de guides rompus au répertoire actuel. Ce sont, d’une part, le chef belge Jean-Paul Dessy à la tête de l’Ensemble Musiques Nouvelles de Bruxelles, doyen des orchestres européens de musique contemporaine, et d’autre part, le metteur en scène Matthew Jocelyn, familier de Philippe Boesmans, ancien directeur de l’Atelier du Rhin et fondateur des Jeunes voix du Rhin à l’Opéra de Strasbourg, d’où sont issus les trois solistes : la mezzo Carolina Bruck Santos, Julie, le baryton Alexander Knop, Jean, et la soprano Agnieszka Slawinska, Christine.
Au lever du rideau, celle-ci s’affaire dans uns cuisine à préparer des rognons. A la fin du drame tiré de la pièce d’August Strindberg, la fille du maître de maison, Mlle Julie, se suicide après avoir détourné Jean, le domestique de son père. Amour bestial et rapports de classe sado-masochistes sur fond de freudisme naissant mettent le feu à cette tragédie universelle. Comme toujours chez Boesmans qui a le don de choisir de grands textes propres à enflammer son imagination tout en lui fournissant la trame dramatique, le théâtre, loin de n’être qu’un prétexte, demeure essentiel, exalté par la musique. Le nombre restreint d’instruments accentue encore la fusion du mot allemand relayé par sa traduction et du son. Le chef et les musiciens s’ébrouent joyeusement dans une partition qui n’a aucun secret pour eux.
La direction d’acteurs est d’une justesse remarquable dans la traduction du trouble qui s’empare des corps et des âmes des deux amants. La fin est plus plate : suggérer le suicide sans emphase n’est certes pas chose aisée ! Les trois jeunes chanteurs se révèlent admirables musiciens tout en jouant avec un réalisme confondant. Eux aussi ont totalement apprivoisé l’écriture de Boesmans, qu’ils nous restituent avec autant de naturel que celle d’un Monteverdi ou d’un Debussy au gré des personnages et des situations. Une heure et demie qui passe comme un songe.
Jacques Doucelin
P. Boesmans : Julie - Paris, Athénée Théâtre Louis Jouvet, le 10 janvier 2010, puis les 12 janvier (19 h.) et 13 janvier (20 h.). Location : 01 53 05 19 19. www.athénée-theatre.com.
Tournée : Maison de la culture de Bourges (22 janvier) ; Théâtre royal de Mons (24 mars) ; Espace Malraux de Chambéry (27 avril) ; La Rampe d’Echirolles (11 mai).
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Photo : DR
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