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Compte-rendu - La lettre ou l’esprit - Valery Gergiev dirige le LSO
Programmes fleuves que les deux concerts de Valery Gergiev avec l’Orchestre Symphonique de Londres à Pleyel : deux symphonies de Chostakovitch (n°11 « L’Année 1905 » et n°8), d’une durée d’une heure chacune, étaient précédées le premier soir par le majestueux Concerto pour piano et orchestre n°2 de Brahms (avec en soliste Nelson Freire) et le lendemain par l’ondoyante Mer de Debussy. Gergiev, qui préside désormais aux destinées de la phalange londonienne, a incontestablement trouvé chaussure à son pied si l’on en juge par la complicité entretenue avec des musiciens sachant s’adapter à tous les répertoires et surtout répondre aux intentions immédiates d’un chef expérimenté mais parfois proche de l’improvisation.
Dans Brahms, Gergiev n’hésite pas à s’emparer du flot orchestral jusqu’à obliger Nelson Freire à sortir de ses gonds pour un combat qui n’est pas dans la nature d’un interprète plus poète que conquérant. Emporté, L’Allegro non troppo paraît quelquefois tendu, mais très vite le soliste affirme sa présence et son autorité (Allegro appassionato), se love dans la pâte onctueuse des cordes (superbe intervention du violoncelle solo dans l’Andante !), tout en distillant dans l’Allegro grazioso des moments de pure beauté (prolongés par un extatique air de l’Orphée de Gluck transcrit par Sgambati – l’un des bis fétiches du Brésilien).
Avec la Symphonie n°11 (1957) de Chostakovitch, Gergiev est en terrain conquis. Il préfère attacher du prix au foisonnement de la construction plutôt que de déclencher le bruit et la fureur d’une musique inspirée par l’histoire de la Russie, explorant l’âme humaine avec un contrôle des éléments où la narration cinématographique (la fusillade, le tocsin…) s’intègre dans un grand poème symphonique d’un seul tenant.
Avec La Mer de Debussy, la sensualité gomme les impressions picturales et tout ce que la partition requiert de modernité pour se rapprocher du Poème de l’extase de Scriabine ou des coloris du Rossignol de Stravinski. Peu orthodoxe, cette conception très personnelle dérange mais séduit par l’onctuosité de l’approche.
Dans la Symphonie n°8 (1943) de Chostakovitch, la vision qui pourrait se prêter à tous les éclats guerriers semble privilégier le drame sous-jacent, le lyrisme au détriment du sarcasme, de cette urgence qu’instillait Mravinsky, dédicataire de l’œuvre. L’angoisse prégnante est exaltée plus que l’ironie et la violence mais in fine plonge dans les tréfonds de l’âme (Allegretto conclusif) loin des démonstrations exacerbées que pourrait provoquer cette symphonie de guerre.
Michel Le Naour
Paris, Salle Pleyel, 26 et 27 septembre 2009
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Photo : DR
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