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Compte-rendu : Les Dialogues des Carmélites à Toulouse - Un reprise réussie
Belle idée que d'avoir remonté cette production des Dialogues des Carmélites, quatorze ans après sa création à la Halle aux Grains. Signé à l'origine par Nicolas Joël, ce spectacle repris par Stéphane Roche, saisit par son dépouillement et son austérité. Le drame se déroule sur un plateau nu dominé par une façade aux découpes aiguës (arc gothique et lames de guillotine), de rares espaces étant délimités par d’efficaces éclairages (Allain Vincent). L'impression d'enfermement et de réclusion n'en est que plus forte et Blanche, "petit lièvre" apeuré, passe d'un monde clos, troublé par l'agitation révolutionnaire, où elle ne trouve pas sa place, à un autre qu'elle espère plus protecteur, celui d'un cloître de carmélites, bientôt rattrapé par la folie meurtrière.
Vision forte et prenante, respectueuse et lisible pour le spectateur qui ne sort pas indemne de l'agonie de Mme de Croissy, scène clé du premier acte et assiste pétrifié à la décapitation des carmélites (acte 3), monument de l'histoire de la musique, dont chaque pas est parfaitement réglé.
Dans la fosse, Patrick Davin dont on garde en mémoire l’excellente version des Contes d'Hoffmann à Genève par Olivier Py (Bel Air) fait preuve d'une discipline orchestrale, sans doute obtenue au contact des nombreuses partitions contemporaines qu'il dirige, de Berio à Jarrell en passant par Boesmans et Britten, et d'un respect pour le langage mélodique si personnel de Poulenc, dignes d’éloges. Sa lecture puissamment architecturée, virtuose dans les tutti et inspirée dans les moments d'intimité, émeut et tient l'auditoire en haleine jusqu'au dénouement.
A la parfaite distribution réunie en 1995 répond un plateau des plus homogènes, dominé par l'imposante composition de Sylvie Brunet en Prieure du Carmel : voix large, timbre opulent, jeu économe et pertinent, expression recherchée la conduisent naturellement au triomphe. La Mère Marie de Susanne Resmark souffre d'un léger accent et d'une couleur un peu brute, mais le portrait est soigné, tandis qu'Isabelle Kabatu, Mme Lidoine, lutte contre un instrument désormais endommagé aux deux extrémités. Sous les traits d'Anne-Catherine Gillet - dont on ne compte plus les prises de rôles à Toulouse - Soeur Constance irradie de jeunesse et de flamme, Catherine Alcoverro (Soeur Mathilde) et Qiu Lin Zhang (Mère Jeanne) fermant honorablement le rang des Carmélites.
Dans le rôle délicat de Blanche, Sophie Marin-Degor dont les moyens ont fortement cru depuis ses débuts parisiens en 1988 (elle était Amour aux côtés de l'Orphée de Marilyn Horne au TCE), manque sans doute de fragilité et de cette inquiétude maladive qui accompagne chacune de ses décisions, si bien mise en avant par Denise Duval, créatrice du tôle ou plus tard par Felicity Lott ; mais l'interprète est concernée, droite et va à l'encontre de sa pusillanimité.
Quelques répliques suffisent à Nicolas Cavallier pour dessiner un digne Marquis et à Gilles Ragon pour camper un vaillant Chevalier, tandis que Yves Boudier endosse avec rectitude les habits de M. Javelinot et Leonard Pezzino ceux de l'Aumônier, les Choeurs du Capitole apportant leur précieux concours.
François Lesueur
F. Poulenc : Dialogues des Carmélites – Toulouse, Halles aux grains, 6 décembre 2009
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Photo : Patrice Nin
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