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Compte-rendu - Macbeth à l’Opéra Bastille - Celui qui venait du froid
Ecueil majeur : la direction d’acteur au cordeau réalisée par Dmitri Tcherniakov se perd dans l’immensité de Bastille. Tout ce qui ressort du ménage Macbeth échappe au spectateur, et seul les gestes intentionnellement démonstratifs seront perçus. Ce n’est pas la première fois qu’une salle trahit un spectacle, et ceux qui auront été saisi par l’art de lire entre les lignes si flagrant dans l’Onéguine du début de saison, ne l’auront pas retrouvé ici.
C’est d’ailleurs à Garnier que ce Macbeth aurait du résonner, non seulement pour fournir au travail dramatique de Dmitri Tcherniakov un vrai théâtre et sa proximité humaine propice aux échanges et aux saisissements, mais aussi pour rendre compte de l‘originalité du projet défendu par Teodor Currentzis : à l’Opéra de Novossibirsk auquel cette production est louée, le jeune chef grec avait tenté, selon ses habitudes sibériennes, une relecture drastique de l’œuvre, instruments anciens et retour aux manuscrits originaux à l’appui.
Loin de s’assortir à la fosse, Dmitri Tcherniakov proposait donc avec sa lecture moderne et pourtant intemporelle, un contrepoint saillant, non sans hiatus, mais voulu comme tel. Evidemment tout cela échappe aujourd’hui, les équilibres étant rompus, d’autant que l’Orchestre de l’Opéra répond avec circonspection à la flamme de Teodor Currentzis. Toute la musique dramatique du I et du II est trahie par le manque d’attaque chronique des pupitres, comme pour faire échec au geste expressionniste du chef. Mais jouez non de Dieu ! Les III et IV trouvent enfin un orchestre qui répond, une heure et demi plus tard. D’autant plus dommage que Teodor Currentzis a un vrai projet, et cherche des couleurs et un ton exalté qui n’est pas sans rappeler certains grands chefs verdiens, Mitropoulos et Schippers pour ne pas les nommer.
La transposition de Dmitri Tcherniakov dans un village du XXe siècle est indolore, le jeu des vues satellites et les déplacements qui nous transportent de la place au salon des Macbeth (vu par leur baie vitrée) habile. On retrouve partout l’intelligence musicale qui fait le prix de ses relectures, avec une quasi-citation, cet assassinat de Banquo passé inaperçu dans un jeu de foule que Martin Kusej aurait pu signer, et l’on s’alarme tout de même d’un maniérisme : le recours systématique au rire, déjà envahissant dans Onéguine, parfois lassant ici (la scène de l’apparition des spectres).
La fin, habilement traitée, est une vraie surprise – on ne vous dit rien, vous verrez- même si piètrement réalisée sur le plan sonore. Sinon quelques idées paraissent faciles – les numéros de prestidigitateur à deux sous de la Lady durant le banquet fatiguent plus qu’ils n’amusent, ce qui n’est d’ailleurs certainement pas leur propos.
Distribution de haut vol : le Macbeth toujours brisé de Dimitris Tiliakos possède exactement la voix du rôle et chante tout du long dans un remarquable espressivo, Violeta Urmana est somptueuse de bout en bout, musicienne, raffinée, mais elle ne rend pas compte du grand écart effectué ici par Verdi qui demande à la fois du bel canto et du chant expressionniste (la lecture de la lettre lui est volée et rendue à Macbeth, d’ailleurs), unifiant trop l’écriture vocale dans un souci d’esthétisme un peu cours, du moins en terme de théâtre. Ferruccio Furlanetto excelle en Banquo, avec ses défauts vocaux habituels. Triomphe pour Stefano Secco – auquel Tcherniakov fait chanter son air dans le parc de ses enfants, on ne sait si l’effet produit doit faire rire au pleurer : Macduff est le seul ici à posséder une véritable italianité du chant, et soudain le vrai style verdien se retrouve. Il n’y a pas de mystère.
Jean-Charles Hoffelé
Giuseppe Verdi, Macbeth - Opéra Bastille, Paris, le 7 avril, puis les 10, 13, 17, 20, 23, 26 et 29 avril et les 5 et 8 mai 2009
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Photo : Ruth Walz / Opéra national de Paris
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