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Compte-rendu : Paul Agnew, militant purcellien
Assistant de William Christie à la direction des Arts Florissants – il conduira d’ailleurs cet ensemble en formation réduite dans le 6ème Livre de Madrigaux de Monteverdi, le mois prochain, à la Cité de la Musique – Paul Agnew fait, depuis quelque temps déjà, une bonne partie de sa carrière en France. Familier du répertoire louis-quatorzième et de la tragédie lyrique lullyste – où il est toutefois permis d’en préférer d’autres – il retrouvait en quelque sorte ses racines, Salle Gaveau, pour un hommage très attendu à Purcell, à deux mois de la fin de cette année-anniversaire.
Faisant son miel d’un délectable bouquet de Songs et airs, le ténor écossais tirait ainsi un passionnant portrait de l’Orphée britannique, séduisant d’abord par une voix d’une totale loyauté musicologique et conjuguant bonheur mélodique et subtilité poétique, aux antipodes de tout maniérisme.
Que ce soit dans les divines confidences de Music for a While et O solitude ou dans le tableau pastoral de On the brow of Richmond Hill, l’interprète y joue en expert des ressources du chant et du « dire », faisant valoir, avec l’intelligence des textes et des mots, une rare intuition prosodique (et Dieu sait si l’anglais purcellien est mouvant et riche en effets rhétoriques!). Certains objecteront que Paul Agnew privilégie ici le registre intimiste, avec une projection des affects plus élégiaque que dramatique (une exception notable : le ton endeuillé de What a sad fate is mine, vraiment abîmé dans le dolorisme). Pour autant, une verve rustique rythme Man is for the woman made and the woman made for man (« l’homme est fait pour la femme et la femme pour l’homme »), souriant aphorisme que l’humour du soliste transforme en un imparable hymne hédoniste, cependant que le magique If music be the food of Love (« si la musique était la nourriture de l’amour ») revient comme un da capo emblématique à la fin du programme.
Un dernier mérite étant d’avoir associé aux vertus du chant un concert instrumental de première force : la sobre basse de viole d’ Anne-Marie Lasla, les guitare et théorbe ailés d’ Elizabeth Kenny et, plus encore, les clavecin et orgue de Blandine Rannou, toujours inventive, toujours habitée (le Ground en Ut comme l’Allemande-Sarabande de la Suite en sol mineur). Mais peut-être un album (CD ou DVD) viendra-t-il fixer le souvenir de cette soirée heureuse pour le bonheur des nombreux baroqueux anglicisants de l’Hexagone (1) ?
Roger Tellart
Paris, Salle Gaveau, 20 octobre 2009
(1) Signalons la sortie chez Ambroisie de l’album « Purcell, the food of love », par les mêmes interprètes.
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Photo : Sandrine Expilly
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