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Compte-rendu : Pollini, Chailly et le Gewandhaus de Leipzig à Pleyel - Evviva Italia !
Le voyage en Italie a toujours constitué le pèlerinage obligé des artistes allemands depuis la fin du XVIIIe siècle avec comme éclaireurs Goethe et Mozart. Même le vieux Bach s’était naguère mis humblement à l’école de Vivaldi ! Telle fut la toile de fond de la cinquième étape du passionnant cycle « Pollini Perspectives » imaginé pour la salle Pleyel par le grand pianiste italien Maurizio Pollini avec son compatriote Riccardo Chailly (photo) à la tête de son orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Car cette phalange trouva son assise et fonda sa tradition sous la férule de Mendelssohn dont la 4e Symphonie est baptisée « Italienne » et qui redécouvrit notamment les plus grandes pages de Jean-Sébastien Bach tout en créant de nombreuses œuvres de ses contemporains, Hector Berlioz compris. A partir de là, le programme était tout trouvé ! Pollini put ainsi rendre hommage à son ami Luigi Nono en ouvrant la soirée avec sa Composizione n°1.
Cinquante huit ans après sa création, et jouée ainsi par une phalange de forte imprégnation classique, l’œuvre sonne de façon emblématique, presque comme un traité de composition moderne, la virtuosité, la discipline, l’intelligence comme la culture des instrumentistes de Leipzig la replaçant soudain dans une continuité historique. Ils n’en gomment pas pour autant les traits les plus révolutionnaires qui apparaissent pour ce qu’ils sont. Mais l’essentiel reste toujours, avec eux, le contenu musical. Et rarement, celui-ci est apparu d’une telle richesse, à la fois plein du passé comme ces grandes plages de cordes évoquant les mystères de La Nuit transfigurée du beau-père de Nono, un certain Arnold Schoenberg, et annonciateur, l’instant d’après, des orages telluriques des percussions de Iannis Xenakis. On n’oubliera pas le début tout tintinnabulant d’une indicible poésie puisée dans quelque contemplation de la lagune de Venise (à moins que ça ne soit d’un tableau de Canaletto !) depuis l’île de la Giudecca, terre des pêcheurs vénitiens où résidait Nono.
La salle applaudit au numéro de haute voltige avant une « Italienne » qui vient affirmer que le Gewandhaus n’abandonne rien de la tradition de Mendelssohn qui assoit sa réputation. Mais ce serait un peu court : on y mesure surtout le travail accompli par Chailly depuis 2005. Le chef italien a ouvert les fenêtres pour chasser l’odeur de renfermé et de naphtaline qu’avait accumulé le musée de la RDA. La jeune flûtiste solo comme son collègue du hautbois ou de la clarinette affirment la singularité de leur timbre, porté, exalté par la somptueuse assise des cordes présentes jusque dans les plus périlleux pianissimi. Le rebond est fantastique comme le classicisme de l’approche. Car Mendelssohn en disciple de Goethe et de son compositeur fétiche Zelter, est plus du côté des classiques que de l’archi-romantisme. Tout est pesé au trébuchet. Chailly ne lâche rien : somptueux !
Il fallait bien que le merveilleux musicien qu’est Pollini se mouille. Il entre en scène avec un 4e Concerto de Beethoven d’anthologie. Il se glisse, s’insinue dans le son de l’orchestre comme s’il ne voulait pas déranger sa merveilleuse ordonnance. De leur côté, Chailly et ses musiciens sont tout prêts à entrer dans le jeu subtil de la musique de chambre auquel les convie avec délice Maurizio Pollini. Tous réinventent ces pages archi-connues, mais ici renouvelées par la sincérité de l’approche qu’impose le soliste. Le trait n’est jamais forcé, la virtuosité jamais gratuite : on fait de la musique entre soi et tant mieux si les autres en ont leur part ! Même les clins d’œil à la modernité de Beethoven, ancêtre de Nono, sont masqués, tout au moins amenés de façon biaisée grâce à la grande cadence du premier mouvement à laquelle le soliste imprime sa marque personnelle. Une grande soirée de musique pour ouvrir la saison nouvelle de la salle Pleyel.
Jacques Doucelin
Salle Pleyel, le 8 septembre 2009
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Photo : DR
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