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Compte-rendu : Récital Müza Rubackyté - Etat de choc
Toute apparition de cette grande pianiste lituanienne provoque toujours une succession de chocs. D’abord, et pourquoi l’ignorer, sa beauté : silhouette de sirène, robe de parade comme on ne l’ose plus guère, classe altière, c’est une souveraine qui s’avance, avec l’aisance d’une diva lyrique. Puis la dame s’installe face au clavier, et la joute commence : d’emblée, tandis que se détache ce profil marmoréen en bandeaux romantiques, comment ne pas penser à une Marie d’Agout, à « sa lave et sa glace » et à sa vie avec Liszt, que Müza Rubackyté a elle aussi épousé ! Car peu savent comme elle peser les soubresauts de cette musique qui n’en finit pas de rebondir, et de franchir de nouveaux obstacles.
Au-delà des notes, c’est ainsi que l’artiste a nommé son récital : elle y a mêlé son cher Franz, dont elle creuse l’œuvre depuis toujours - Budapest la couronna en 81 pour le concours Liszt- Bartok- à Schubert, pour une gerbe de lieder auxquels la transcription de Liszt donne une frappe que la voix, plus sensible, ne permet pas. On n’oubliera pas son Roi des Aulnes, joué à la rafale, dément, terrible, et sa Marguerite au rouet, lancinante. Quant à la Sonate en la mineur D784 qui ouvrait le récital, elle dégageait une tension qui n’était peut-être pas que le fait de Schubert, la pianiste ayant à trouver ses marques, lesquelles sont profondes.
Autre volet, et non le moindre, une incursion chez son compatriote Ciurlionis, au centenaire plus modeste que celui de Liszt (il est mort en 1911), mais qui mérite qu'on s'y arrête. On sait le peintre qu’il fut, subtil symboliste, puis maître de l’abstraction autant que Kandinsky. On doit aussi rappeler qu’il travailla sa vie durant à établir des correspondances entre sons et couleurs. Il en résulte une musique charmeuse et trouble, dont on aurait volontiers continué l’écoute. Müza, prudemment, a choisi 3 Préludes et 2 Nocturnes, brèves incursions dans cet univers singulier.
Quant à la Sonate en si mineur de Liszt, ce fut dès les premières notes, une prise de possession : tout ensuite s’est déroulé avec à la fois la musicalité souple, la respiration, et la volonté de pousser les portes qui caractérisent ce jeu unique. Müza ne nous a pas lâchés une seconde, et laissés comme étourdis. Qu’on aimerait entendre cette pianiste dans quelque site antique ou quelque vaste arène qui serait à la hauteur de son jeu magistral !
Jacqueline Thuilleux
Récital donné à la Salle Gaveau, le 11 mars 2011
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Photo : DR
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