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Compte-rendu - Rigoletto à Nancy – Eblouissante distribution !
Six représentations dont une supplémentaire, toutes sold out, pour le Rigoletto de Verdi à l’Opéra National de Lorraine. Trois prises de rôles dominées par une Gilda de rêve : la Russe Elena Gorshunova. Tout dans cette jeune artiste de vingt-trois ans laisse présager une carrière éblouissante. La voix d’un timbre diaphane, posée sur une tenue de souffle impeccable, des aigus naturels jamais poussés (« Caro nome » à faire pâlir les dieux…), ligne souple jamais brusquée complétée par une intelligence musicale rarement entendue de nos jours. Les Netrebko et consoeurs n’ont qu’à bien se tenir !
Le jeune ténor russe Andreï Dumaev, vrai ténor lyrique, campe un Duc de Mantoue au timbre fluide avec des aigus solaires et sans aucun histrionisme. Tomas Tomasson est Rigoletto ! La douleur, la compassion sont présentes tout au long d’une interprétation exemplaire. Le timbre mordant convient bien au personnage, mais une respiration trop haute accuse quelques fêlures dans un timbre par trop sombre pour que le chanteur soit parfaitement à l’aise, défaut qui, je pense, sera vite surmonté.
Jean Teitgen donne de Sparafucile un portrait saisissant aux graves abyssaux et forme un couple parfait avec la Maddalena toujours très musicale de Varduhi Abrahamyan (enfin une Maddalena que l’on entend dans le quatuor !). Reste de la distribution à l’aune des trois premiers rôles avec, en tout premier lieu, un Monterone dont on se doit de retenir le nom : Patrick Bolleire. Igor Gnidi et Alexandre Swan, respectivement Marullo et Borsa, sont deux comprimari de tout premier plan.
Le chef Paolo Olmi apporte une contribution de taille à la réussite de ce Rigoletto nancéen. Depuis son arrivée, l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy est transfiguré. Le quatuor possède des couleurs soyeuses, les cuivres sombres sont d’une justesse imparable, et la percussion tient enfin son rôle - Dieu sait si elle est importante dans ce Verdi ! Les tempi imposés sont d’une justesse rigoureuse, jamais heurtés, et, malgré une métrique imparable, Paolo Olmi n’oublie jamais de laisser respirer ses chanteurs. Grande leçon de musicalité !
La mise en scène de Marianne Clément enferme les personnages dans une boîte blanche et sculpte l’espace par un savant jeu de rideaux. Trouvaille ingénieuse les murs de la cuisine de Gilda qui l’emprisonnent pendant la fin de son air, véritable enfermement tant physique que moral, et qui justifie son enlèvement. Dans cette vision le dédoublement de la difformité de Rigoletto, d’une part celle physique portée sur le visage telle une malédiction du destin, de l’autre la bosse qu’il enfile - autrement dit son instrument de travail -, prend une signification intense lors de sa confrontation, chez le Duc, avec Gilda qui ne comprend ni sa présence en ce lieu, ni un accoutrement qu’elle ne connaît pas. Seul péché de jeunesse un distributeur de boissons omniprésent, dont on se demande bien la signification.
Un vrai triomphe populaire et musical amplement justifié.
Bernard Niedda
Verdi : Rigoletto - Nancy, Opéra National de Lorraine, le 24 mars 2009
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Photo : DR
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