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Compte-rendu : Suivront Mille ans de calme, à la Biennale de Lyon - L’Apocalypse selon Angelin Preljocaj
Aimez-vous la techno ? On en a mis partout… Mais d’abord, sauf si l’on est un fan des boîtes d’où l’on sort ivre de bruit, prudence : boules Quies fermement conseillées. Branché, donc, le nouveau Preljocaj puisque assujetti au tintouin apocalyptique de Laurent Garnier, DJ renommé. Mais tel est de toute façon le propre de cette entreprise qui a, à juste titre, excité la créativité du chorégraphe Preljocaj, capitaine du Pavillon Noir, ce vaisseau chorégraphique fait pour lui à Aix-en-Provence. Car mêler quelques danseurs du Bolchoï à sa propre compagnie, à la demande des Russes, qui l’ont déjà applaudie, n’était pas une affaire neutre, et cette petite révolution dans le Temple de la danse académique a fait quelque bruit à Moscou, où la pièce fut créée le 14 septembre 2010.
Pour cette aventure où des techniques éblouissantes issues de l’académisme se libèrent au contact de danseurs contemporains habitués à plus de liberté, et se fondent admirablement avec eux, il faut le souligner, Preljocaj a puisé dans son bestiaire sombre, à son ordinaire. Des ambitions démesurées dans le choix de l’aventure intellectuelle, des partenaires branchés, tel Jean-Paul Gautier pour Blanche-Neige, l’une de ses grandes réussites, une délicieuse modestie qui lui fait contourner le caractère mythique de ses thèmes pour en tirer un désarroi ordinaire, et enfin une fabuleuse maîtrise des ensembles et de l’espace, tel est le cocktail Preljocaj, souvent gagnant. Mais ici, l’impression reçue demeure aussi confuse que le propos, car il n’a voulu retenir de l’idée de l’Apocalypse, son choix de réflexion, qu’une façon de faire exploser nos limites, nos cyclones intimes : c’est donc, à peine contée en tableaux peu circonstanciés, une sorte d’éruption volcanique à laquelle on est convié, rythmée par l’impitoyable fracas de la techno qui donne à ces secousses sismiques de l’être une sorte de balancier lancinant.
Des gestes rituels émergent du chaos, vides de sens, d’étranges fantômes déambulent, coiffés de casseroles ou de bouilloires, bizarres chapeaux faits d’objets quotidiens détournés par Subodh Gupta, plasticien vedette. Certains tableaux dégagent une certaine puissance de fascination, celui des chaînes notamment, par leur caractère provocateur vaguement sadique qui est l’une des marques de Preljocaj, mais l’absence de fil conducteur nuit à la force du propos. On admire l’habileté du chorégraphe et des danseurs, mais on n’aborde pas à de vrais rivages émotionnels. Une sorte de fresque morbide et glaciale, aux relents de secte chorégraphique, déroule ses anneaux, et l’on se dit que tout cela ressemble à une « vanitas ». Le concept est à la mode, décidément.
Jacqueline Thuilleux
Preljocaj : Suivront mille ans de calme - Biennale de la Danse de Lyon, du 24 au 27 septembre 2010. Au Théâtre National de Chaillot, du 1er au 22 octobre 2010. A l’Opéra Royal de Versailles du 27 au 30 décembre 2010
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Photo : JC Carbonne
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