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Compte-rendu : Tendre amer - The Tender Land de Copland à la Biennale Musiques en Scène
La dépression était passée depuis bien des années lorsque Copland trouva enfin le sujet de son opéra après bien des errements auprès d’écrivains aussi éloignés que Thornthon Wilder ou Arthur Miller. Finalement ce sera son compagnon, Eric Johns, qui lui fournira le livret idéal, s’inspirant des écrits de James Agee – Louons maintenant les grands hommes et Une mort dans la famille. Copland ne reviendra plus au genre lyrique, et The Tender Land apparaît de fait comme la quintessence d’une partie de son art, celle qui chante la vie rurale de l’Amérique profonde. L’argument en est limpide, la musique tout autant. Est-ce pour cela que les scènes lyriques le boudent des deux côtés de l’Atlantique ?
Il a pourtant connu une carrière parallèle grâce à l’efficace et élégant arrangement pour treize instruments qu’en réalisa Murry Slidin : les universités le montent de temps à autre, séduites par cette économie substantielle, et le Théâtre de la Renaissance à Oullins a fait de même, dans le cadre de la Biennale Musiques en Scène 2010. Création scénique en France ? Il semble bien.
Jean Lacornerie a saisi tout l’esprit de l’œuvre, créant une distanciation poétique dès la première scène : les chanteurs manipulent leurs propres marionnettes, une captation vidéo donnant à voir ce jeu dédoublé. Pourtant le système n’emprisonne rien, les marionnettes d’ailleurs disparaissent à mesure que l’action se déploie, essentiellement durant la fête, pour réapparaître dès que la sphère de l’intime est reconquise.
La justesse de sa direction d’acteur ne surcharge jamais dans une œuvre infiniment pudique, et la scénographie de Bruno de Lavenère capture toute la poésie dont la musique est comme saturée. Admirable de simplicité, évident, le geste est d’une transparence extrême. On suivra avec attention Elena Galitskaya, déjà remarquée en Lioussa dans Moscou Quartier des Cerises en décembre dernier, Laurie attachante, avec dans le timbre quelque chose de la jeune Dawn Upshaw, Ben Johnson serait parfait en Martin si le rôle n’était parfois un rien trop tendu pour lui et si Ma Moss montre l’usure de la voix de Suzanne Self, magnifique comédienne cependant, on reste toujours aussi surpris par le caractère et la santé vocale de Monte Jaffe, un Doktor Schön d’anthologie par ailleurs, qui campe le plus crédible des Grandpa. Grand vainqueur de la soirée, le très juvénile Dominic Grier dirige son petit ensemble avec art et éloquence. On rêve de l’entendre confronté à une grande formation symphonique.
Jean-Charles Hoffelé
Aaron Copland : The Tender Land – Oullins, Théâtre de la Renaissance, le 9 mars 2010
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Photo : DR
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