On ne l’oubliera guère, cette coulée tourmentée où les vastes moyens requis, solistes, chœurs et orchestre, se sont fondus dans un même élan pour rappeler les horreurs de la guerre et le cauchemar de la faucheuse saccageant les champs de bataille. Une puissante plainte dont on ne sort guère apaisé, malgré l’appel aux liturgiques paroles de consolation, qui alternent avec les poèmes de Wilfred Owen. On imagine la cathédrale de Coventry en mai 1962, lorsqu’y retentit pour la première fois, afin de marquer la reconsécration de l’édifice, ce Requiem où Britten en appelle à l’humanisme plus qu’à la vie éternelle. Mais la salle Pleyel a su faire oublier l’austérité de son cadre, grâce à la direction fiévreuse et raffinée d’Ingo Metzmacher, lequel faisait ses débuts avec l’Orchestre de Paris, grâce aussi à l’engagement d’instrumentistes galvanisés comme rarement. Pour le néophyte en Britten, il faut pénétrer dans cette écriture complexe, dont les contrastes ne jouent pas sur la logique des sentiments, mais sur une foule d’émotions contradictoires.

Le public, à l’évidence tenu en haleine, a acclamé cette vibrante interprétation, où tous, de Matthias Goerne, bouleversant, même s’il est moins à l’aise en anglais, à Paul Groves, d’une précision cinglante, et à l’ensemble des chœurs et de l’orchestre, sont portés par une grande houle qui resserre et élargit la musique comme un halètement. Seule faille, la très surestimée Indra Thomas : ce somptueux clone de Jessye Norman a malheureusement une émission incertaine et fragmentaire, et cela n’a rien à voir avec les subtiles variations d’intensité qu’implique l’œuvre. Mais même ses faiblesses n’arrivent pas à lui ôter son charme, et n’ont pas affaibli le potentiel émotionnel d’un concert exceptionnel.

Jacqueline Thuilleux

Paris, salle Pleyel, le 20 janvier 2010

Vous souhaitez répondre l’auteur de cet article ?

Programme détaillé de la Salle Pleyel

Lire les autres articles de Jacqueline Thuilleux

Photo : DR