L’inusable Petite Renarde selon André Engel revenait dispenser ses rousseurs sur la scène de Bastille, cadeau offert par Nicolas Joel et toute son équipe aux enfants : le patron de la Grande Boutique veut les émerveiller avec l’opéra. Ce projet qui vient d’aboutir à la publication d’un joli carnet (1), était clairement déclaré dès la première saison, puisque la couverture du programme présentant celle ci s’illustrait par le théâtre magique de Fanny et Alexandre.

Le spectacle reste toujours aussi touchant, marqué par une sorte de grâce, se gardant de tout manichéisme. Pour Engel la Renarde n’est pas une nouvelle Terynka, mais bien un animal libre, jamais une femme en tous cas. Ce point de vue rafraîchissant qui fait pester les esprits éclairés nous ravit.

Encore une fois la distribution était parfaite, même si la Renarde d’Adriana Kucerova manquait de médium, projetait peu son premier acte (même au dix-huitième rang on peinait à l’entendre), et proposait deux incarnations fermement dessinées : le Harasta un rien amer de Paul Gay, magnifiquement sombre, et l’excellente surprise du Garde-chasse de Jean-Philippe Laffont : on savait qu’il lui donnerait une trogne, on n’espérait pas qu’il plongerait avec cette vitalité détonante jusque dans la poésie la plus secrète du personnage. Et il le fait, parlant dans son chant avec une liberté que l’on n’avait pas entendue depuis Rudolf Asmus lui même, le fameux Forestier de Walter Felsenstein. Chapeau bas.

Miracle additionnel - si je puis écrire -, la direction de Michael Schonwandt, incroyablement fluide et rêveuse, poétiquement composée, mais aussi pleine de caractère et d’élan, donnant à entendre l’orchestre simplement génial dont Janacek a habillé la feuillée comme le village. Admirable, ne sacrifiant jamais le théâtre à la symphonie, mais luxueusement distillé. Décidément, après une Walküre flamboyante, maintenant un précis poétique inspiré : l’orchestre de la maison est dans une forme étincelante en cette fin de saison !

Donc, emmenez vos têtes blondes, les tarifs sont avantageux et il reste encore quelques dates.
Et si vous voulez prolonger le plaisir, ou vous préparer aux représentations, n’oubliez pas que la production a été filmée et est disponible chez Medici Arts.

Jean-Charles Hoffelé

Janacek : La Petite Renarde rusée - Opéra Bastille, Paris, le 3 juillet, puis les 6, 9 et 12 juillet 2010

1) Dix mois d’école et d’opéra, journal 2009-2010, disponible gracieusement dans les présentoirs de Garnier et de Bastille

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Photo : DR