Journal
Concert de clôture du 25ème Festival de Pâques de Deauville – Ardents poètes – Compte-rendu
On en aura eu un bel exemple lors du concert de clôture, au profil d’ailleurs un peu différent de ce qui était initialement prévu. Théo Fouchenneret ayant dû renoncer à sa venue pour des deux pianos avec Bertrand Chamayou, ce dernier a assuré en solo la première partie du programme avec deux des plus fameux ouvrages de Ravel. Quel bonheur de le retrouver dans la Pavane pour une infante défunte qu’il sait faire discrètement ondoyer pour nous embarquer dans un prégnant songe ... Accord parfait de la palette sonore et du caractère de chaque pièce, jeu exempt de toute facilité « impressionniste » : sous de tels doigts, les Miroirs offrent un miracle d’intelligence poétique et une globalité de l’approche qui maintient la tension – et l’attention – de l’envolement des Noctuelles à la conclusion de la Vallée des cloches, sans aucune rupture au terme d’une Alborada dans laquelle Chamayou ose quelques coups de griffes.
Le maître de Ciboure a mainte fois dit son admiration pour Camille Saint-Saëns ; c’est très logiquement que ce dernier trouve sa place dans le prolongement de Ravel. Le 25e festival a retenu deux bijoux de sa production chambriste tandis que l’on commémore le centenaire de la disparition d’un de nos compositeurs les plus importants - et les plus méconnus !
Amaury Coeytaux et Marcel Cara s’emparent d’abord de la Fantaisie pour violon et harpe avec autant de spontanéité que de fluidité dans les enchaînements. Dans la virtuosité comme la tendresse, ils soignent – avec quel chic ! – les humeurs changeantes de cette étonnante pièce. Le violon d’Amaury Coeytaux sonne avec une plénitude et une évidence qu’on ne lui avait pas connu à ce degré auparavant, porté par le jeu complice et plein de relief du jeune Marcel Cara – un fin musicien dont vous entendrez sûrement vite reparler !
Conclusion avec le Trio n° 2 op. 92, pièce rare en concert car bien peu de pianistes osent affronter ses assez effroyables difficultés. Elles ne sont pas pour intimider Bertrand Chamayou, ici allié à Amaury Coeytaux et Victor Julien-Laferrière (photo). Ces trois habitués du Festival de Pâques font équipe pour la première fois en trio : puisse cela se renouveler souvent car le résultat est stupéfiant d’ardeur, d’entente, de renouvellement incessant du propos – et de maîtrise technique évidemment ! Entre le violon radieux de Coeytaux, la profondeur du violoncelle de Julien-Laferrière et le magnétisme du clavier de Chamayou l’osmose apparaît totale, pour la gloire d’un créateur hélas trop souvent snobé. Un moment pour le moins prodigieux que l’on peut déguster en replay pendant une dizaine de jours encore.
Rendez-vous à Deauville cet été pour l’Août musical, du 29 juillet au 11 août, et l’année prochaine pour un 26e Festival de Pâques qui sera l’occasion de fêter ... les 25 ans d’une des plus découvreuses manifestations musicales françaises.
D’ici là, n’oubliez pas que ses riches archives sonores sont disponibles en libre accès sur le site music.aquarelle.(1)
Alain Cochard
Deauville, salle Elie de Brignac, 8 mai 2021 / Disponible en replay (gratuit) sur Recithall / www.recithall.com/events/328
Photo © Yannick Coupannec
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