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Concert de rentrée de la saison Musique sacrée à Notre-Dame de Paris – De Budapest à Paris ; d’hier et d’aujourd’hui – Compte-rendu
S’il est un lieu où jamais la musique ne suspend son vol, c’est bien Notre-Dame de Paris, tant lors des offices que des concerts de la période estivale. Comme toute saison musicale d’importance, la cathédrale n’en propose pas moins son « concert de rentrée », lequel fêtait cette année les trente ans de titulariat d’Yves Castagnet à l’orgue de chœur : 1988, année de son Grand-Prix d’interprétation au Concours international d’orgue de Chartres. Cette soirée du 2 octobre, placée sous la conduite d'Henri Chalet (photo), était aussi le premier concert des nouveaux chantres de la Maîtrise, par définition en perpétuel renouvellement, avec comme chaque fois ce sentiment mêlant émotion et émerveillement devant les plus jeunes membres, fraîchement intégrés, du Chœur d’enfants : sérieux et attentifs, donnant l’impression d’avoir déjà pris leurs marques, confortés par les autres membres de la Maîtrise – même pas peur.
Le concert s’ouvrait sur deux des trois Psaumes pour chœur et orgue d’Yves Castagnet, par le Chœur d’adultes de la Maîtrise : Psaume 26 pour voix d’hommes, Psaume 18 pour voix de femmes, le compositeur étant à l’orgue de chœur. Castagnet revendique une filiation profondément française, idéalement en situation à Notre-Dame, issue de Vierne via Duruflé quant au langage formel et harmonique, tout en témoignant d’une approche personnelle et vivifiante, faite de concision et de sobriété, conditions de la sincérité et de la probité musicales et spirituelles, mais aussi d’apparat et de grandeur au gré de développements contrastés et non convenus, ainsi que d’une juste évaluation du temps : puissance sans pesanteur, intériorité sans emphase.
La Maîtrise Notre-Dame de Paris © Leonard de Serres
On put ensuite découvrir une œuvre admirable : Laudes organi de Zoltán Kodály (1882-1967), composée un an exactement avant sa mort, à la suite d’une tournée triomphale du compositeur hongrois aux États-Unis, pour la Convention Nationale de The American Guild of Organists de 1966, à Atlanta. Le texte s’inspire d’une séquence du XIIe siècle provenant d’un manuscrit du monastère suisse d’Engelberg. Convaincu de la mission éducatrice du chant choral et de sa capacité à forger une « démocratie musicale », Kodály a beaucoup composé pour chœur, tout en laissant aussi une œuvre d’orgue. Laudes organi s’ouvre d’ailleurs sur une grande introduction solo – en tribune : Olivier Latry –, l’orgue de chœur prenant le relai dès l’entrée des voix. Cette œuvre mouvante, parfois mystérieuse mais pour l’essentiel d’un enthousiasme communicatif, est une joyeuse invite aux musiciens à prendre conscience de leur rôle dans l’harmonie du monde. L’auditeur est tenu en haleine jusqu’au dénouement du Fiat, Amen – la douceur extrême du premier terme enchaînant sur le crescendo général très progressif du second, Henri Chalet – comme pour l’ensemble du programme – galvanisant et communiquant sa propre ferveur musicale à ses forces vocales, au chœur d’adultes s’ajoutant ici le Jeune Ensemble.
Yves Castagnet © DR
La dernière partie était dévolue à la Messe Salve Regina d’Yves Castagnet pour chœur : la Maîtrise au grand complet, avec donc en plus le Chœur d’enfants que dirige Émilie Fleury, et deux orgues : Olivier Latry toujours en tribune et le compositeur dans le chœur. Construite sur des thèmes issus du Salve Regina grégorien et composée en deux temps : Kyrie, Sanctus et Agnus Dei en 2002, Gloria en 2007, cette Messe fut créée en ouverture de saison de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris le 9 octobre 2007, puis aussitôt enregistrée (Hortus 056 + Poulenc et Latry) sous la direction de Lionel Sow. Différant bien évidemment quant au style et au propos de l’œuvre de Kodály, elle n’en participe pas moins d’une même atmosphère de grandeur et de sobriété poétiques, individuelles et libres de ton, contribuant à la chaleureuse homogénéité du programme de la soirée. Le Gloria, de prime abord grandiose puis délicatement varié à l’appui du texte chanté, fut l’occasion d’entendre deux solistes : soprano aigu (sur un éloquent mouvement perpétuel de l’orgue de chœur) puis baryton. Le caractère exalté du Sanctus à la suite, et sans solution de continuité stylistique, du Gloria lui-même couronné en apothéose, laisse place à un Agnus Dei introduit en beauté par le grand orgue, un ultime solo pour soprano lyrique ou mezzo préparant au caractère apaisé du pacem final. Une belle et grande œuvre trouvant sa juste place à Notre-Dame, l’une de ses sources d’inspiration, dans la lignée de la Messe de Vierne ou de celle « Cum jubilo » de Duruflé.
La saison (1) de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris ne fait donc que commencer : suivront notamment le Magnificat de Bach les 16 et 17 octobre, coproduction avec l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction de l’excellente Marzena Diakun, un récital d’orgue de Vincent Dubois le 30, puis le 6 novembre le premier d’une série de concerts consacrés à « Bach et l’Italie », le tout couronné, pour ce qui est du proche avenir, de la Missa solemnis de Beethoven les 27 et 28 novembre, sous la direction de John Nelson et en coproduction avec le Chœur Laudate Deum de Lausanne en formation chœur de chambre, entendu en février dernier dans de somptueuses Vêpres de Rachmaninov (2), concert qui sera repris début décembre en la cathédrale de Lausanne et au Victoria Hall de Genève – vertus des coproductions, qui seules permettent de proposer des œuvres d’une telle envergure.
Michel Roubinet
Paris, cathédrale Notre-Dame de Paris, 2 octobre 2018
(1) Musique sacrée à Notre-Dame de Paris – Saison 2018-2019
docs.wixstatic.com/ugd/0d11d9_0d7c9ab0140f446296829973b1f10f4c.pdf
(2) www.concertclassic.com/article/les-vepres-de-rachmaninov-par-choeur-laudate-deum-de-lausanne-en-etat-de-grace-compte-rendu
Photo © Leonard de Serres
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