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Costanza e fortezza, opéra de Johann Joseph Fux, au festival de Graz – Dernier retour de Zorro – Compte-rendu
La ville autrichienne de Graz compte trois enfants célèbres. Le dernier en date, et le seul encore en vie, est Arnold Schwarzenegger : avec Hasta la vista, baby, œuvre inspirée par une réplique fameuse de Terminator 2, composée par Manuela Kerer pour trois voix féminines, un hommage lui sera rendu cette année par le festival Styriarte, manifestation fondée en 1985 pour un autre natif de Graz, Nikolaus Harnoncourt. Il faut remonter beaucoup plus loin dans le temps pour trouver le troisième grand homme local : Johann Joseph Fux (1660-1741), à ne pas confondre avec Robert Fuchs (1847-1927) ou Johann Nepomuk Fuchs (1842-1899), autres renards de la musique autrichienne.
Auteur du Gradus ad Parnassum, compositeur de la cour impériale, Fux servit au cours de sa longue carrière cinq monarques Habsbourg, de Léopold Ier à Marie-Thérèse. Le sommet de sa carrière fut la création à Prague en août 1723 de l’opéra Costanza e fortezza, d’après la devise de son employeur, événement auquel participèrent cent chanteurs et deux cents instrumentistes, mis en scène par Giuseppe Bibiena et dirigé par Antonio Caldara. C’est cette partition qui donne cette année par le festival Styriarte et qui conclut un cycle de six opéras de Fux, inauguré en 2018 (plusieurs parutions discographiques en témoignent, dont Dafne in lauro, paru en 2021, et prochainement l’Arianna donnée l’an dernier).
© Nikola Milatovic
Exactement trois siècles plus tard, on pouvait se douter qu’il ne serait pas question d’égaler les fastes de la cour des Habsbourg. Recréer un spectacle de près de six heures, présenté dans le cadre des fêtes du couronnement de Charles VI, roi de Bohême, avec ballets et apparitions de divinités, n’exige pas les même moyens que la résurrection d’une simple serenata écrite pour l’anniversaire du souverain. Pourtant, face à cet obstacle, c’est un minimalisme extrême qui a prévalu : alors que les précédents spectacles proposés par Styriarte avaient bénéficié d’une authentique production scénique, malgré les difficultés liées à la pandémie, Costanza e fortezza doit cette fois se contenter d’une version de concert sans la moindre tentative de mise en espace, et surtout d’une réduction qui n’offre guère qu’une heure de musique, cette adaptation ne retenant que six personnages sur les dix que compte le livret, et les partageant entre quatre voix.
© Nikola Milatovic
Malgré l’écrin superbe qu’offre la cour principale du Schloss Eggenberg, on est réellement très loin de ce que put être l’œuvre donnée en 1723, même si les deux chanteuses arborent une robe à panier et les deux chanteurs un habit à la française, et malgré un récitant déguisé en Fux qui résume l’intrigue entre les airs. L’action se situe vers 507 av. J.-C., pendant la lutte des Etrusques contre les Romains, et fait défiler les épisodes les plus édifiants de l’histoire latine : la défense du pont Sublicius par Horatius Coclès, Mucius Scaevola mettant sa main dans le feu et la vierge Cloelia qui échappa à ses ravisseurs en traversant le Tibre à la nage.
© Nikola Milatovic
L’équipe musicale est la même que lors des précédentes éditions du Fux Opernfest. Même s’il ne compte qu’une vingtaine de musiciens, et même si les (quatre !) trompettes naturelles sont toujours aussi délicates à maîtriser, l’ensemble Zefiro dirigé par Alfredo Bernardini met en valeur la richesse de l’écriture orchestrale de Fux. Pour les voix, rien d’excessivement virtuose, du moins dans les morceaux retenus pour ce concert ; la musique ne semble pas non plus atteindre les mêmes sommets d’émotion que celle de contemporains comme Haendel ou Vivaldi, mais peut-être une version théâtrale aurait-elle démenti cette impression.
Alfredo Bernardini © Nikola Milatovic
En tout cas, les quatre chanteurs, tous habitués du répertoire baroque, connaissent bien Fux, pour avoir participé à la plupart des précédentes recréations. On ne présente plus le ténor Valerio Contaldo, à la déclamation toujours expressive ; le public français n’a en revanche guère eu l’occasion d’entendre le timbre ferme du contre-ténor Rafał Tomkiewicz, dont la carrière se déroule surtout en Pologne et en Allemagne. Bien qu’elle ait récemment consacré un disque aux mélodies avec orchestre de Sibelius, la mezzo norvégienne Marianne Beate Kielland a toute la souplesse vocale nécessaire ici. Collaboratrice régulière de chefs tels que Rinaldo Alessandrini ou Fabio Biondi, Monica Piccinini met elle aussi toute son expérience au service du personnage de Valeria, fille du légendaire consul Publicola.
Laurent Bury
Johann Joseph Fux, Costanza e fortezza – Graz, Schloss Eggenberg, 24 juin 2023
Photo © Nikola Milatovic
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