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Daniel Harding dirige Purcell et Mahler à l’Orchestre de Paris – Sens brouillé
Chœur de l’Orchestre de Paris, Orchestre de Paris, Daniel HARDING
Pour sa rentrée, et pour la deuxième saison de son nouveau directeur musical, l'Orchestre de Paris affichait un programme original, aussi insolite qu'intrigant : la Musique pour les funérailles de la Reine Mary, de Henry Purcell, et la Sixième symphonie de Gustav Mahler. Belle idée, a priori, de rapprocher — et même d'enchaîner ! — ces deux œuvres, comme si, à trois siècles de distance, elles se répondaient, la première, funèbre, donnant le « la » de la seconde, sous-titrée « Tragique ».
Avec une lenteur solennelle, l'ode de Purcell alterne « canzone », pour les trombones, et « hymnes » (extraits du livre ordinaire des prières de l'église anglicane) pour le chœur, en formation réduite. Sur le plateau de la Philharmonie, l'effet de cérémonie liturgique est réussi, sans qu'on puisse parler d'exécution « historiquement informée », comme on dit pudiquement, aujourd'hui, pour les interprétations modernes qui s'aventurent dans le répertoire baroque sans les instruments ni les codes d'époque. Mais l'intention, ici, prévaut sur les moyens de la réaliser.
En revanche, que la suite du concert n'ait pas été « mahlériennement informée » est nettement plus inquiétant, et peu excusable. A l'affiche de l'orchestre dès 1976, avec Georg Solti, reprise en 2007 par Christoph Eschenbach, dont elle était l'une des symphonies fétiches, la Sixième de Mahler est pourtant un piler du répertoire, et l'une des plus « classiques » de son auteur, avec ses quatre mouvements traditionnels. Le premier, un allegro énergique, évoque le lied Revelge (du recueil Des Knabenwunderhorn), une marche militaire où un jeune tambour, à la tête de son régiment, se résigne à mourir au combat. Le Scherzo qui suit singe une danse des morts bancale, épuisant cette veine d'ironie macabre, avant que l'Andante n'apporte un fragile apaisement. « La seule Sixième, malgré la Pastorale » admirait Alban Berg, en référence à ce troisième mouvement si poétique, où cloches (de troupeaux), célesta et trémolos diaphanes de cordes évoquent les alpages des Dolomites où Mahler, chaque été, s'isolait pour composer.
On cherche en vain la raison qui a déterminé Daniel Harding (photo) à intervertir contre toute logique ces deux mouvements intermédiaires — placer l'Andante en deuxième position, avant le Scherzo, relégué au troisième rang. Aucun grand chef mahlérien (de Bernstein à Boulez, de Tilson Thomas à Gergiev) ne s'y risque, respectant l'édition critique publiée en 1962 par la société internationale Gustav Mahler de Vienne. Le chamboulement arbitraire décidé par le chef britannique déséquilibre tout l'édifice, perturbe son unité et brouille son sens. Malgré un Orchestre de Paris d'une discipline et d'une cohésion à toute épreuve (violon solo de Philippe Aïche, pupitre de clarinettes), l'interprétation de Daniel Harding, dans son ensemble, reste étrangère au double-jeu mahlérien entre sublime et trivial, à sa constante oscillation entre sensualité vénéneuse, ironie grinçante et aspiration à l'idéal. Point culminant du tragique, le final frappe les trois coups inéluctables du destin, avec un marteau de bois spécialement conçu par le compositeur pour cet effet spectaculaire. Là encore, Daniel Harding se défausse, esquivant le troisième coup fatidique (7 mesures avant le chiffre 165). Pour nous, la sentence est déjà tombée : ce concert ne restera ni dans les annales de l'orchestre, ni dans celles des interprétations mahlériennes.
Gilles Macassar
Paris, Philharmonie, salle Pierre Boulez, vendredi 8 septembre 2017
Concert disponible à la réécoute sur le site de Radio Classique jusqu'au 08/12/2017 : www.radioclassique.fr/replay/reecouter-un-concert/concert-douverture-de-saison-de-lorchestre-de-paris-musique-funerailles-de-reine-mary-dhenri-purcell-symphonie-n-6-tragique-de-gustav-mahler/
Photo Daniel Harding © Julian Hargreaves
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