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Danse / « Chorus in Spiritus » par le Ballet Nice Méditerranée - Un supplément d’âme - Compte-rendu
On a cru rêver : retrouver trace de l’Actus tragicus de Maurice Béjart, alors que le Béjart Ballet Lausanne ne le danse plus, et ce au cœur d’un programme niçois, quelle merveilleuse surprise ! Eric Vu-An, qui se bat comme un lion pour garder à la compagnie qu’il dirige depuis deux ans une qualité artistique autant que technique, a osé, grâce à des vidéos demeurées de ce chef-d’œuvre, le remettre en piste au sein d’un ambitieux programme, marqué par une aspiration à la transcendance par le corps. David dansait devant l’arche, et Isadora Duncan ajoutait : « j’ai dansé comme une feuille sous le vent ». La danse, donc, sans chemins de traverse provocateurs, peut ainsi conduire vers les cimes de l’empathie avec le monde, métaphysique ou mystique, ou simplement émotionnel.
Béjart, dont Vu-An a donc repris la Cantate 51, 2e volet, après la Cantate 106, de son Actus Tragicus créé en 1969, s’était ici allié avec une des œuvres les plus jubilatoires de Bach, lui apportant en contrepoint une écriture sobre, harmonieuse, et reconnaissable à la moindre attitude, même si l’on y détecte aussi quelques traces balanchiniennes empreintes d’humour. Les interprètes ne prétendent évidemment pas égaler les grands créateurs de cette œuvre, comme Paolo Bortoluzzi, qu’ils n’ont heureusement pas connus, mais ils donnent à cet acte de foi chorégraphique, lequel n’a pas pris une ride, une fraîcheur renouvelée, une grâce que les figures contrastées des deux principaux personnages rendent éclatante : elle, la Vierge, Céline Marcinno, tout en intime conviction, en pudeur et retenue, lui, César Rubio Sanchez, bondissant et clamant sa joie tel un ange baroque.
Le reste du spectacle, sans égaler la patte du maître, offrait deux tonalités opposées pour une même quête d’immanence: de la flottante Oceana, donnée ici par Lucinda Childs en création mondiale, on retiendra une impression de fluidité, de perpetuum mobile dans l’entrecroisement d’êtres portés par une marée gestuelle, qui jamais ne déborde, mais garde une tension apparemment inoffensive. Du répétitif subtil, élastique comme les vagues de l’âme. Quant à Nacho Duato, son Por vos muero est griffé de sa personnalité racée, sombre et puissante, mais toujours tenue, comme s’il était vain de trop pousser les enjeux. Il s’en dégage une mélancolie troublante, zébrée de moments brillants, vite effacés. Le tout dans des tonalités bistrées qui disent la terre, et celle d’Espagne n’est pas neutre. Là aussi, on a pu admirer la parfaite harmonie de la compagnie, dont la beauté n’a pas laissé de surprendre, tant aujourd’hui cette qualité semble parfois choquante !
Jacqueline Thuilleux
« Chorus in Spiritus » - Opéra Nice Côte d’Azur, le 20 octobre 2011
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Photo : DR
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