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Dante de Benjamin Godard à l’Opéra royal de Versailles - Que d’émotions ! - Compte-rendu
Soirée riche en tensions pour ce Dante en version de concert à l’Opéra de Versailles. Peu avant la toute fin de l’exécution, Véronique Gens, triomphatrice du rôle de Béatrice dans l’opéra de Benjamin Godard, est prise d’un malaise. Flottements dans l’assistance, puis chez les musiciens qui arrêtent alors leur intervention. Les secours ramènent la cantatrice, encore semi-inconsciente. Et le concert en finit là.
Rassurons immédiatement nos lecteurs, l’incomparable chanteuse n’a été victime que d’une passagère chute de tension. Elle s’est rapidement rétablie, sans dommages. Certains parmi les auditeurs ont pu cependant croire sur l’instant à un effet scénique : au moment où l’héroïne annonce qu’elle quitte le monde charnel (« Elle chancelle. Elle tombe » disent les didascalies), toujours d’aussi belle prestance, quand bien même allongée sur le plateau. Il n’en était rien. Mais les quelques mesures écourtées du final par la force des choses, ne compromettent pas l’impression musicale d’ensemble.
Car la tension était déjà de la partie. Curieuse partition, au demeurant. Benjamin Godard (1849-1895) avait fait représenter son opéra dans la salle provisoire de l’Opéra-Comique en 1890. Dans de mauvaises conditions semble-t-il, et pour un demi-échec. L’œuvre ne s’en remettra pas, jusqu’à ces jours où dans le cadre de son cycle Godard, le Palazzetto Bru Zane/Centre de musique romantique française de Venise a décidé de la sortir de l’oubli.
On ne saurait parler d’un oubli entièrement injuste. L’ouvrage tarde à prendre consistance au long de deux premiers actes, entre un bric et de broc d’airs et ensembles mal assortis. Puis c’est l’éclatement lors d’un troisième acte emporté : la scène des enfers et du paradis, comme juste, assurément le prétexte de l’œuvre (qui ne serait pas sans rappeler le Pandémonium de La Damnation de Faust de Berlioz), avec un final d’acte sous haute tension. Celle-ci se maintient au quatrième et dernier acte, avec des transports d’orchestre et de voix d’un effet saisissant, dont la texture n’évoque cette fois aucun référent. Ce qui serait tout à l’honneur de la personnalité musicale de son auteur.
Une œuvre relativement bancale, donc, sur un livret qui l’est aussi parfois, écrit par un certain Édouard Blau d’après cette Divine Comédie qui a inspiré tant d’artistes et musiciens. Mais une œuvre qui méritait d’une résurrection de concert, et par le disque (1). Afin d’en laisser le témoignage. On ne saurait cependant croire que l’ouvrage est appelé à s’imposer sur toutes les planches lyriques. Bien qu’on ne puisse que louer en la circonstance un méritoire travail de reconstitution, dû au patient labeur des musicologues attachés au Palazzetto.
Comme on ne saurait qu’en louer les participants musicaux. Edgaras Montvidas (Dante) pousse son gosier en force et sans beaucoup de justesse dans ses premières interventions, pour ensuite, l’assurance venant, trouver de beaux accents, soutenus ou délicatement négociés. Jean-François Lapointe (Bardi, compagnon de Dante dans ses mésaventures infernales) reste toujours ce baryton de style, et ici de style français idéalement projeté. Rachel Frenkel donne un joli corps à Gemma, la confidente de Béatrice. Mais c’est Véronique Gens qui soutient au mieux la partition, comme nous l’annoncions : souveraine de phrasé, de nuances et d’amplitude, comme aussi d’aura. L’incarnation de Béatrice, telle que Godard l’aurait rêvée ? Sous la battue investie d’Ulf Schirmer(photo), l’Orchestre de la Radio de Munich et le Chœur de la Radio Bavaroise, ce dernier étonnant de précision jusque dans la diction, sonnent d’un seul élan. Pour la plus grande gloire de Benjamin Godard !
Pierre-René Serna
(1) Capté à Munich avec une distributiion identique à celle de Versailles, Dante sera publié dans la collection « Opéra français » du Palazzetto Bru Zane
Benjamin Godard : Dante (version de concert) – Opéra royal de Versailles, 2 février 2016
Photo © www.ulfschirmer.com
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