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​David Kadouch joue Marie Jaëll et Louise Farrenc avec l’Orchestre de chambre de Paris / 10e Festival Palazzetto Bru Zane Paris – « Liszt est là, il la regarde ... »

 
L’Orchestre de chambre de Paris et Hervé Niquet sont de fidèles complices du Palazzetto Bru Zane, que ce soit au disque ou en concert. On les retrouve au Festival PBZ Paris, le 23 juin au théâtre des Champs-Elysées, pour l’unique rendez-vous instrumental de la 10édition de la manifestation ; une soirée entièrement occupée par des ouvrages de compositrices françaises, qui s’inscrit dans la lignée du copieux et passionnant coffret de raretés aux signatures toutes féminines sorti en début d’année. (1)  
Le programme balaie un siècle de musique, de l’ouverture de l’opéra-comique en un acte Le Loup-garou (1827) de Louise Bertin – qu’on découvrira donc trois jours après l’intégralité de son Fausto (2), dans la même salle, sous la direction de Christophe Rousset – à la valse Du cœur aux lèvres de Jeanne Danglas, en passant par La Nuit et L’Amour d’Augusta Holmès, la Suite en forme de valse de Mel Bonis ou encore deux extraits symphoniques de Mazeppa, tardif opéra de Clémence de Grandval créé avec succès à Bordeaux en 1892.
 
Retrouvailles avec Louise Farrenc
 
Le piano sera présent, avec David Kadouch (photo) en soliste, pour deux ouvrages très différents. Avec les Grandes Variations sur un thème du comte Gallenberg op. 25 de Louise Farrenc, le pianiste retrouvera une compositrice dont l’Air russe varié. figurait dans son album «Les musiques de Madame Bovary». D’une extrême virtuosité, les Grandes Variations, datées de 1825, sont pétries d’une technique caractéristique du style brillant qui régnait à l’époque, préludant à l’irruption d’un rapport nouveau au clavier suscité par Chopin et Liszt.
Quant au Concerto n°2 de Marie Jaëll, il tire lui les enseignements de la révolution opérée par le romantisme, par l’auteur des Rhapsodies hongroises en particulier. Créé en 1884 à Paris, avec la compositrice alsacienne au piano et Edouard Colonne à la baguette, le Concerto en ut mineur est dédié à Eugen d’Albert, un élève de Liszt – ce dernier qualifiera l’ouvrage d’ «œuvre maîtresse et géniale ».
 

Hervé Niquet © Henri Buffetaut
 
La poésie par-delà la bravoure
 
Liszt, justement ... « Son héritage est très présent dans la partition de Marie Jaëll, note David Kadouch ; Liszt est là, il la regarde ... La pièce montre une forme de transcendance non seulement de la forme, mais aussi de ce qu’est un morceau de bravoure concertant. On y trouve de longues plages de traits virtuoses qui durent plus longtemps que la normale et qui, au lieu de devenir des moments de bravoure, prennent une dimension poétique, comme si on restait en suspend ; on sent que la compositrice veut faire passer quelque chose dans cette attente. »
« L’écriture est très fournie, symphonique, avec des passages où le piano se fond dans la masse orchestrale pour en ressortir, poursuit le pianiste. L’extrême aigu du clavier est très sollicité. La virtuosité mise en œuvre par Marie Jaëll se situe d’abord dans l’épaisseur qu’elle donne à son discours - le dernier mouvement est presque entièrement constitué d’accord de quatre ou cinq notes aux deux mains. »
Avec le Concerto n°2, David Kadouch fera sa toute première incursion dans la musique de Marie Jaëll ; ce sera aussi sa première collaboration avec Hervé Niquet. Nul doute qu’au clavier comme à la baguette tout concourra à libérer le souffle saisissant d’une partition qui promet une belle surprise à ceux qui l’entendront pour la première fois.(3)
 
Alain Cochard
(Entretien avec David Kadouch réalisé le 15 juin 2023)

 

Orchestre de chambre de Paris, dir. Hervé Niquet / David Kadouch, piano
Œuvres de Farrenc, Holmès, Danglas, Grandval, Bonis & Jaëll
23 juin 2023 - 20h
Paris - Théâtre des Champs-Elysées

www.theatrechampselysees.fr/saison-2022-2023/orchestre-de-chambre-de-paris/herve-niquet-david-kadouch

(1) www.concertclassic.com/article/les-archives-du-siecle-romantique-70-des-femmes-instrumentistes-et-compositrices-lopinion
 
(2) www.concertclassic.com/article/les-archives-du-siecle-romantique-73-quand-louise-bertin-devancait-berlioz-le-corsaire-24
 
(2)  On doit la renaissance des deux concertos pour piano de Marie-Jaëll en France au Palazzetto Bru Zane, qui dans le cadre du Piano(s) Festival de Lille 2012, a donné ces ouvrages sous la conduite de Joseph Swensen, avec Romain Descharmes (Cto n°1) et David Violi (Cto n° 2). www.concertclassic.com/article/pianos-festival-de-lille-stimulante-diversite-compte-rendu
L’enregistrement réalisé à cette occasion figure dans le volume Marie Jaëll de la collection « Portraits » du PBZ (Vol. 3). On y trouve aussi l’étonnant et si poétique Concerto pour violoncelle, sous l’archet de Xavier Phillips et la baguette d’Hervé Niquet (avec le Brussels Philharmonic Orchestra).
 
Photo © Marco Borggreve

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