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David Robertson, Kirill Gerstein et l’Orchestre National de France - Livre des prodiges - Compte-rendu
Le programme de ce concert se veut « intempestif », comme aurait dit Nietzsche. Pensez donc : associer Boulez et Rachmaninov ! Voilà qui est bien dans la veine de David Robertson (photo), chef d’orchestre imaginatif, cheminant hors des sentiers perpétuellement rebattus. Et de fait, ce programme se révèle d’une cohérence absolue, que sa restitution pourléchée ne fait que corroborer.
La soirée débute par les Notations de Boulez. Ou plutôt cinq de ces pièces brèves, celles que le compositeur aura patiemment orchestrées au cours des soixante années qui ont suivi l’écriture des douze pages pour piano par un tout jeune musicien de 20 ans (en 1945 et ses toutes premières compositions significatives). Elles sont judicieusement mises en regard (assorties de rapides explications verbales de Robertson), d’abord dans leur forme originelle pianistique, sous les doigts d’un Kirill Gerstein acéré, puis dans leur état final à grand orchestre. Comme un parcours de toute l’inspiration créatrice du compositeur qui a tant marqué notre époque. On peut être en droit de préférer parfois la facture originale, son aspect percussif jaillissant, à une traduction plus laborieuse à grand renfort de parure instrumentale…
Kirill Gerstein © Marco Borggreve
Suit Dance Figures, « neuf séquences chorégraphiques pour orchestre » (à destination de la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker, et créées en 2005) de George Benjamin. Partition voluptueuse, comme sait si bien en concocter ce compositeur britannique né en 1960. Et puis, sans autre solution de continuité, Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Cette série de 24 variations pour piano et orchestre, écrite en 1934, reprend le 24e Caprice pour violon seul de Paganini (qui était déjà une forme de « thème et variations »). Mais sa formule que l’on pourrait croire éculée, se transfigure en inspiration foisonnante, portée par un souffle de la plus grande diversité. Génial ! Et presque le contraire d’un concerto pour piano. On se prend à songer incongrument à Sur incises de Pierre Boulez, également en forme de rhapsodie pour piano perpétuellement variée : rapprochement inattendu, que le programme de ce concert appelle. Pour une œuvre aussi qui s’avère peu fréquente au concert, en raison de ses exigences pianistiques comme orchestrales, malgré la gloire de sa Variation XVIII, «tube» dont s’est emparée l’industrie cinématographique…
Un Orchestre National des grands jours flamboie, se fait brise ou tempête, innervé par la battue incisive de Robertson. Kirill Gerstein démontre, dans Rachmaninov, une dextérité transcendée où son dialogue avec l’orchestre se fait alchimie. Un concert d’un luxe rare, dans son propos comme sa transmission. Seul achoppement : un bis final du pianiste, convenu et inapproprié, avec une Méditation de Tchaïkovski certes bien enlevée, mais qui ramène sur terre, et les habitudes, après ces montées vers les cieux.
Pierre-René Serna
Paris, Auditorium de Radio France, 1er juin 2017
Concert disponible en replay sur Hyper Radio : hyperradio.radiofrance.fr/son-3d/david-robertson-dirige-lonf-boulez-benjamin-rachmaninov/
Photo David Robertson © DR
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